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du judo →

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Le France, grande nation du judo mondial →

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Le Judo aux JOP →

Teddy

Riner

+100kg

Titres olympiques, titres mondiaux… Teddy Riner a explosé tous les records, et ce n’est peut-être pas fini.

Rio 2016 © Paco Lozano/France Judo
Derrière les grands hommes, il y a toujours une femme… et c’est souvent leur mère. Quelle vie aurait eu Teddy Riner si la sienne n’avait pas pensé, avec beaucoup de raison, qu’un enfant de son tempérament et de son gabarit avait besoin de bouger, et si possible avec des professeurs pour le former ? Tout commence donc à l’« Aquaboulevard » de Paris, centre de loisirs qui abrite à ce moment-là un club multisports, que l’apprenti colosse de cinq ans traverse en tourbillon. C’est d’ailleurs parce qu’il est inscrit… à la danse, que le (grand) garçonnet a le loisir de découvrir le cours de judo, où l’attend de pied ferme son premier professeur, Alain Perriot. Ce dernier aura le grand mérite, non seulement de lui apprendre l’excellent judo qui le caractérisera toujours, mais de savoir le retenir au judo en lui suggérant l’essentiel. Comme le lui dira plus tard son fabuleux protégé : « chaque fois que je parlerai de plaisir à la sortie d’une compétition, c’est à toi que je penserai ». Bien vu Alain Perriot.
La carrière du géant guadeloupéen est d’emblée placée sous le signe des records. Record de précocité d’abord. Il a quinze ans quand il entre dans le saint des saints du sport français, l’INSEP, où les meilleurs lourds français le voient arriver sans débordement d’affection. Ils ne parviendront pas à l’empêcher d’être sélectionné, encore junior, à ses premiers championnats d’Europe seniors, en 2007… Championnat qu’il emporte un 8 avril, au lendemain de son anniversaire. Il a dix-huit ans ! La presse spécialisée s’affole. Elle a raison. Quelques mois plus tard, il est sélectionné pour les championnats du monde. Trop tôt pour celui qui, un an auparavant, venait juste de gagner son premier championnat du monde juniors, alors qu’il n’était encore que cadet ? Beaucoup le pensent. Pourtant, il écarte d’entrée une autre légende du judo, le Japonais Kosei Inoue, déjà champion du monde et champion olympique des -100kg, qui tente de prolonger son règne chez les lourds. Il domine ensuite le Biélorusse Rybak, l’un des derniers à l’avoir battu à Paris en début d’année. En finale, il surclasse le double médaillé olympique et quadruple médaillé mondial Tamerlan Tmenov, un Russe trentenaire au judo exceptionnel. Pour sa première sélection à ce niveau, le Français Teddy Riner devient le plus jeune champion du monde masculin de l’histoire du judo, à dix-huit ans et cent cinquante-neuf jours.
Londres 2012 © Paco Lozano/Sen No Sen

Première médaille
olympique en 2008

On l'oublie souvent

Déjà décisif dans les très grands moments, mais pas encore invincible. L’année 2008 le voit en effet à la fois l’emporter sur ses plus grands rivaux, notamment le Japonais Inoue une nouvelle fois, mais aussi trébucher par deux fois au tournoi de Hambourg. Le voici aux Jeux de Pékin avec l’étiquette de favori logique, malgré son extrême jeunesse. C’est le moment, au-delà des promesses, de marquer l’histoire. Tout le monde rêve d’un affrontement final avec le Japonais dont on parle beaucoup, Satoshi Ishii, vainqueur du championnat toutes catégories au Japon. C’est finalement un roublard ouzbek, Abdullo Tangriev, qui exploite son manque d’expérience en accumulant les fausses attaques jusqu’à le faire pénaliser. Ishii tirera les marrons du feu. Bronze olympique à dix-neuf ans pour sa première participation, c’est magnifique… mais frustrant tout de même. Finalement, tout reste à faire. Malgré une deuxième victoire aux championnats du monde 2009, pour ses vingt ans, il va connaître un autre échec, un an plus tard, au Japon, où on le perçoit déjà comme un demi-dieu. Un demi-dieu qu’il faut abattre bien sûr, ce que parviendra à faire un autre poids lourd du pays, l’indolent mais brillant Daiki Kamikawa. En pleine puissance, le Français est venu pour un exploit particulier : le doublé mondial sur la même compétition, en +100kg et en « toutes catégories », réussi notamment par son aîné David Douillet en 1995, au Japon déjà. C’est la dernière fois que le « toutes catégories » sera organisé pendant les championnats du monde. Teddy Riner contrôle avec une efficacité froide la première journée. Mais le Japonais fait la compétition de sa vie lors du toutes catégories. Malmené en finale par la saisie de fer du déjà triple champion du monde, il trouve les moyens de tenir et d’obtenir une décision en sa faveur. La déception est violente pour celui qui est encore un jeune athlète de vingt-et-un ans : « C’est la dernière fois que je laisse les arbitres décider de la victoire », assène-t-il. Dès le début de l’année 2011, et notamment au Grand Chelem de Paris pour sa quatrième victoire de suite – et en surclassant Kamikawa en finale – il inaugure une ère d’invincibilité qui durera… 3436 jours, de septembre 2010 à février 2020, soit 154 victoires consécutives sur trente-six compétitions (en individuel ou par équipes) – le Japonais Yasuhiro Yamashita détenant toujours le record du genre avec 203 victoires de rang entre 1977 et 1985.
Pékin 2008 © Collection EDJ
En 2012, le champion arrive sur les Jeux olympiques de Londres à son pic de puissance. Champion d’Europe l’année précédente et une nouvelle fois champion du monde avec d’autant plus de facilité que c’était à Paris, il a démontré à l’opposition qu’il était supérieur sur tous les plans. Il n’est évidemment pas question d’un échec, ni même de laisser les autres espérer. Implacable, il étouffe toute velléité de rébellion, poussant les meilleurs à la disqualification, notamment le Russe Alexander Mikhaylin en finale, qui ne lui pardonnera jamais vraiment cette humiliation. Champion olympique à vingt-trois ans ! Mais le Français vise déjà au-delà. Il est taillé pour marquer l’histoire et rejoindre les plus illustres, les quelques très rares doubles champions olympiques, dont David Douillet, qui reste encore la référence française. 2016 déjà en ligne de mire et, en se projetant, pourquoi ne pas envisager de rejoindre l’unique triple champion olympique du judo mondial, son idole, le -60kg japonais Tadahiro Nomura ? Il faudrait alors rester au top jusqu’aux Jeux de Tokyo 2020, où il aurait trente-et-un ans.

Son bonheur du par équipes

De 2012 à 2016, le Français ne lâchera rien à ses adversaires. Rio de Janeiro 2013, Chelyabinsk 2014, Astana 2015. Trois titres mondiaux de plus, avec comme seul enjeu de savoir si l’un de ses rivaux le fera vaciller. En 2015, le Japonais Shichinohe est parvenu à le mettre au sol sur son fauchage intérieur. Un marqueur, peut-être, d’un changement encore indiscernable.

Absent depuis novembre 2015, le grand Teddy Riner met les bouchées doubles en avril 2016, avec un Grand Prix en Corée et son quatrième championnat d’Europe du côté de Kazan, en Russie. On sent que l’opposition est lassée de cette supériorité et tente de secouer le joug. La Géorgie présente un petit lourd accrocheur et habile, Leviani Matiashvili, qui n’hésite pas à lui faire la guerre, en Corée comme en Russie. Le grand Israélien Sasson se hisse en finale du championnat continental où il s’incline seulement aux pénalités avec une idée derrière la tête. Riner a-t-il vraiment la main sur la catégorie comme il cherche à le démontrer ? Mais le champion a le sens du timing et tout se passe comme il l’a prévu aux Jeux de Rio l’été arrivé. L’Algérien Tayeb est poussé sur le dos, le colosse brésilien Silva baisse la tête en quarts, trop souvent battu. Un seul frémissement en demi-finale, face à l’Israélien Sasson, qui parvient à se glisser en dessous pour un fort mouvement d’épaule, mais le Français contrôle. En finale, c’est le Japonais Harasawa qui est l’arme secrète nippone. Il lutte, mais s’incline aux pénalités. Cette fois, la légende est à la bonne taille, Riner est le cinquième double champion olympique de judo, six en comptant la féminine Ryoko Tamura-Tani. Tadahiro Nomura est toujours seul devant…
Rio 2016 © Paco Lozano/Collection EDJ
Rio 2016 © Paco Lozano/Collection EDJ
Riner a vingt-sept ans, et un corps qui lui fait mal. L’usure générale est comme une ankylose insidieuse. Champion du monde pour la neuvième fois en 2017, il a manqué de se faire surprendre par un balayage d’un nouveau rival, le tonique et musculeux géorgien Guram Tushishvili. Un championnat du monde « Open » est organisé pour lui à Rabat au Maroc, comme pour profiter de son état de forme et boucler quelque chose. Il explose tout sur son passage, dont le Géorgien. La « decima » est le mot du moment. Dix titres, dont deux toutes catégories, c’est bien assez. Le voici qui entre en hibernation. Réveil programmé ? 2019 avec deux tournois bien maîtrisés, malgré pas mal de kilos en plus. L’obsession, c’est Tokyo 2020. Mais la pandémie s’empare du monde et le grand Teddy, déstabilisé et hors de forme, va s’enferrer à Paris en 2020 sur un Japonais habile contreur, Kokoro Kageura. La série de victoires s’arrête… le temps aussi.

Les Jeux en 2020 ?

Il faut attendre un an de plus, rien n’est sûr. Le champion trentenaire est à deux doigts de renoncer. Sa préparation est encore freinée par une blessure au genou. Il sera là, mais pas tête de série. Le temps où il dominait la « ranking list » est passé. Il est toujours le plus grand pourtant, et il semble en mesure de le prouver. Mais, nerveux, il cède sur un petit Russe, mobile en pivot comme une tourelle de char, qui profite d’une tentative de sa part pour surfer dessus et le pousser au sol. Le ciel est tombé sur la tête du champion qui voit sa longue attente rendue vaine. Pourtant, exploit peut-être le plus grand de son histoire car il touche à sa force morale, Riner balaie le découragement, arrache à coups de dents une médaille de bronze individuelle olympique contre son rival Harasawa, sa quatrième tout de même, et se transforme aussitôt en meneur de troupe pour aller chercher la première médaille collective olympique en judo. Il aime cet exercice où il a déjà remporté des titres nationaux avec Levallois et le PSG, et mondiaux par équipes masculines. Portant l’équipe de France à bout de bras – au propre comme au figuré parfois quand il jette dans les airs ses camarades Cysique et Agbegnenou – il bat son vieux rival Sasson dans un affrontement très serré contre Israël, puis, contre le Japon en finale, projette le tout frais champion olympique des -100kg Aaron Wolf, vainqueur du prestigieux « toutes catégories » japonais. Riner était prêt.
Le voici donc trois fois champion olympique. Comme Nomura. Mais bien sûr, il lui manque la troisième médaille d’or individuelle pour se sentir vraiment à sa hauteur… À peine sorti de Tokyo, le géant se tournait déjà vers Paris 2024 avec un objectif clair. Après 3 ans de préparation, le voici fin prêt pour devenir le judoka le plus titré de tous les temps sur la scène olympique.

Son idée du champion

« J’ai été très heureux de gagner six fois le tournoi de Paris, le plus beau du monde, et devant le public français. Mais ce sont les championnats qui m’intéressent. Les tournois, c’est autre chose. L’enjeu, le vrai, c’est quand il y a le titre au bout. Certains se font appeler « champion » parce qu’ils ont gagné un tournoi. Un champion, ce n’est pas ça ! Un champion, c’est celui qui gagne ce qui doit être gagné. Pour nous les judokas, celui qui aura son portrait sur le mur du dojo de l’INSEP. Même être médaillé européen, mondial ou olympique, ce n’est pas être champion. J’ai été façonné comme ça depuis mon entrée à l’INSEP. Tous les entraîneurs m’ont toujours répété ça. C’est peut-être dur à entendre pour des gens qui ont eu des résultats et s’entraînent fort, je le reconnais, mais c’est ma vérité. »
Teddy Riner

Au panthéon

Avec dix titres et une médaille d’argent aux championnats du monde, Teddy Riner est de loin le plus titré de tous les temps, son dauphin étant la légende japonaise des -48kg Ryoko Tamura-Tani (sept titres, une médaille d’argent entre 1991 et 2007)… à une époque où les championnats du monde avaient lieu tous les deux ans, alors que la Belge Ingrid Berghmans a récolté onze médailles entre 1980 et 1989 (+72kg et Open), mais « seulement » six en or *. Quant aux JO, il en est le plus médaillé chez les masculins depuis la victoire magnifique lors de l’épreuve par équipes mixtes à Tokyo, où il a porté son total à trois titres olympiques et deux médailles de bronze.
*La Chinoise Tong Wen pointe aussi à 7 médailles d’or et une d’argent, mais fut convaincue de dopage en 2010.
Pékin 2008 © Paco Lozano/Collection EDJ
Mais… le Français, on le sait, vise le record ultime : atteindre six (voire sept avec le par équipes qui existe depuis Tokyo) médailles à Paris en 2024 pour dépasser définitivement les Japonais Tadahiro Nomura (trois médailles d’or individuelles) et Ryoko Tamura-Tani (cinq médailles individuelles, deux en or, deux en argent et une en bronze en cinq participations). Dans le panthéon du sport français, seuls le biathlète Martin Fourcade et les escrimeurs Lucien Gaudin et Christian d’Oriola, cinq titres olympiques pour le premier, quatre pour les deux autres) ont pour l’heure fait mieux.

Fiche d'identité

Date de naissance

Né le 7 avril 1989

Lieu de Naissance

Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)

Taille

2m04

Catégorie

+100kg

Niveau

6e dan depuis 2019

Techniques favorites

uchi-mata,
o-soto-gari
et harai-goshi

Clubs

Paris Saint-Germain ; JC Bolivar ; Lagardère Paris Racing ; Levallois Sporting Club ; Paris Saint-Germain

Tokyo 2020 © Paco Lozano/France Judo

Palmarès

COMPÉTITIONS
JEUX OLYMPIQUES
3
0
2
CHAMPIONNATS DU MONDE
11
2
0
CHAMPIONNATS D'EUROPE
5
0
0
Championnats de France
4
1
0
Londres 2012 © Collection EDJ