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Le France, grande nation du judo mondial →

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Le Judo aux JOP →

Thierry

Rey

-60kg et -65kg

Judo spectaculaire, combattant ébouriffant, parcours marqué par les JO bien après sa carrière de compétiteur, Thierry Rey ou une vie à nulle autre pareille.

© Presse Sports

Printemps 1969 en France, Thierry Rey a neuf ans, pèse vingt-huit kilos et va commencer le judo à Lagny-sur-Marne. Dix ans plus tard, il est déjà champion de France seniors en moins de soixante kilos, et cela pour la seconde fois consécutive, bien avant ses vingt ans. Les années précédentes ont été marquées, pour ce turbulent rétif à l’autorité, par la tentative de l’enseignement catholique de brider son naturel et d’étouffer les échos séduisants d’un monde qui s’était ouvert en 1968. Elles sont marquées aussi par son évasion constante par le judo, une discipline qui lui offre alors à la fois la liberté qu’il recherche, l’aventure à portée de main, mais aussi le cadre nécessaire pour les grandes âmes, prêtes à de grandes choses. Elles ne se feront pas attendre.

Ce Gavroche en judogi blanc ne succombe pas sur les barricades de Paris, il devient champion du monde l’année de ses vingt ans dans la capitale française, à Coubertin, au même endroit exactement que lors d’une victoire nationale en benjamins quelques années plus tôt, se jouant avec une suprême audace et une confiance absolue des adversaires les plus forts, notamment les super légers japonais que l’on jugeait encore invincibles et que les opposants étrangers regardaient avec timidité. Entretemps, le jeune homme a fait la première rencontre d’une vie qui en comptera beaucoup : alors qu’il a quinze ans, Bernard Tchoullouyan, judoka de génie et membre de l’équipe de France, fait quelques piges dans son club de Lagny. Il fallait un mentor au jeune aspirant, ce sera ce Marseillais taciturne au judo de roi, futur champion du monde lui aussi, qui lui donne en cadeau l’assurance qu’aucun adversaire n’est à craindre.

C’est au tournoi de Paris, remporté en 1978 et 1979, que le jeune espoir encore peu connu se taille un statut de Petit Prince de la capitale. Les championnats du monde, à Paris encore, seront son sacre. Jusque-là, tous les Japonais qui lui ont été opposés ont été en difficulté face à la combinaison qu’il propose, de concentration intense, de rythme agressif et de saisie précise et dominante. Aux championnats du monde, c’est le n°1 mondial japonais Yasuhiko Moriwaki qui s’incline dès le deuxième tour. En finale, contre le Coréen Koa Woo-Jong, l’insolent Français, contrôlant son adversaire au sol dans les dernières secondes, se permet même un clin d’œil à la caméra, tandis que le public égrène le décompte d’une seule voix. La clé ? C’est lui qui la donne :
Je suis dans un état de concentration permanent en compétition, avec comme un ordinateur dans la tête : la garde, le temps, la distance… Je suis dans la survie à chaque seconde.

Thierry Rey

Il y a le Rey des jours de travail et le Rey des nuits de fête. Attiré par le monde des artistes et celui des sorties, le tout jeune homme que le Tout-Paris découvre déjà sait penser à autre chose qu’au judo, qui ne pourra plus très longtemps le retenir. Rarement un champion aura été aussi capable que lui de cibler ses objectifs. En mode préparation, Thierry Rey tombe à l’entraînement devant ses camarades de labeur. En mode compétition, délesté de près de six kilos dont les derniers partent en sueur perdue dans des footings solitaires la veille même de l’événement, Thierry Rey devient totalement intouchable.
Champion du monde en titre, il se présente en 1980 à Moscou pour les Jeux en favori, d’autant que le Japon est absent. Pas de Moriwaki pour la revanche ! Mais celui qui sera là est peut-être plus dangereux pour le titi de Paris : le Soviétique Aramby Emizh, un rival souvent vainqueur contre lui. Après avoir perdu son dernier kilo sur l’anneau d’échauffement du parc olympique Loujniki, ce vendredi 1er août 1980, Thierry Rey va dominer successivement le Finlandais Fagerlund, le Portugais Mendonca et le Tchécoslovaque Petrikov, futur finaliste mondial, administrant à ce dernier la potion fatale de son « uchi-mata », la projection qui consiste à lancer sa jambe entre celles de ses adversaires pour les renverser, que son gabarit longiligne de « mort de faim », au sens quasiment littéral, rend particulièrement redoutable ! Le combattant soviétique se dresse devant lui en demi-finale, un cinquième duel entre deux combattants à égalité de victoire. Deux hommes qui jouent leur vie, et pour l’adversaire du Français, une vie débarrassée à jamais des soucis financiers et bardée d’honneurs. C’est le « uchi-mata » du champion du monde qui lui donnera la victoire. Reste la surprise du jour, le Cubain José Rodriguez. Mais Thierry Rey aime les finales et ne laissera pas la plus importante se jouer sans lui. Il anticipe tout contre le Cubain et devient champion olympique, un an après avoir emporté le titre mondial. C’est aussi sa dernière compétition en -60kg. Quatre ans plus tard, et après avoir emporté six titres nationaux dans deux catégories de poids et un premier titre européen en 1983, non qualifié pour les Jeux de Los Angeles, le Gavroche de Moscou renonce brutalement à sa carrière. Il a vingt-cinq ans, et autre chose à faire.
Moscou 1980 © Presse Sports

Une quadruple couronne unique en son genre

Le sait-on assez dans le judo français lui-même ? Thierry Rey a fait, en quelques années, ce que personne n’est parvenu à égaler jusqu’à aujourd’hui du côté des combattants masculins français : premier, et pour longtemps, champion de France, champion d’Europe, champion du monde et champion olympique, il n’a été égalé chez les hommes que par les colosses légendaires : David Douillet et Teddy Riner. Thierry Rey est donc le seul représentant d’une autre catégorie que celle des poids lourds à parvenir à ce formidable statut. Il y a d’autres champions du monde, comme Fabien Canu, qui fit le doublé en 1987 et 1989. Il y a d’autres champions olympiques, comme Marc Alexandre – celui qui est parvenu à lui prendre la sélection olympique en 1984. Il y a aussi ceux qui sont passés tout près, comme Larbi Benboudaoud, champion du monde 1999 et vice champion olympique en 2000, ou Stéphane Traineau, champion du monde 1991 et deux fois médaillé olympique… mais Thierry Rey reste le seul des combattants français hors Douillet et Riner à la quadruple couronne. Qui pour challenger Thierry Rey dans le judo français dans les années à venir ?
Thierry Rey vs José Rodriguez (-60kg) - Moscou 1980 © Presse Sports
Moscou 1980 © Presse Sports

Une vie de star

Si Jean-Luc Rougé fut et reste à jamais le premier champion du monde du judo français (1975), Thierry Rey en fut sûrement la première star, non seulement par sa formidable réussite en 1979-1980, mais aussi par son impact sur la société française, et cela pendant des décennies ! Le second de ces impacts successifs, il faut bien le rappeler… fut d’avoir amené l’héroïne des « Valseuses », la star de cinéma Miou-Miou, à fréquenter les travées de Coubertin pendant les années de leur idylle. Après sa carrière, Thierry Rey fut un bon acteur français pendant sept ans, à la recherche de son grand rôle, lequel, en se faisant attendre, l’incita à ne pas s’éterniser — ce n’est décidément pas son genre.

Et c’est en 1992 que la chaîne de télévision Canal+ a l’heureuse idée de lui confier un micro pour commenter la compétition de judo des JO. Avec la même confiance et le même talent spontané que sur un tapis, le néo-commentateur va faire une performance si formidable que toute la France va se mettre à regarder le judo pour la suivre ! Thierry Rey est sans doute à cette occasion l’inventeur du commentaire sportif à la fois éclairé et libéré, décalé et pertinent, spectacle dans le spectacle. Le début d’une seconde vie, au moins, qui le mènera à être leader de l’aventure du PSG Judo puis du Lagardère Paris Racing, conseiller du Président de la République François Hollande, membre émérite de l’aventure de Paris 2024… et, au passage, père du petit-fils du président de la République, Jacques Chirac.

Fiche d'identité

Date de naissance

Né le 1er juin 1959

Lieu de Naissance

Furnes (Belgique)

Taille

1m85

Catégorie

-60kg et -65kg

Niveau

8e dan depuis 2020

Techniques favorites

uchi-mata

Club

Judo Club Lagny

© AFP

Palmarès

COMPÉTITIONS
JEUX OLYMPIQUES
1
0
0
CHAMPIONNATS DU MONDE
1
0
0
CHAMPIONNATS D'EUROPE
1
2
1
Championnats de France
6
0
1