Cécile
Nowak-Grasso
-48kg
Championne du monde puis olympique à Barcelone, Cécile Nowak-Grasso a réalisé un doublé inédit en 1991-1992.

2 août 1992, Barcelone, acte 2. C’est un peu comme cela que l’on aurait pu sous-titrer le titre olympique de Cécile Nowak-Grasso remporté dans le Palau Blaugrana de la cité catalane, trois jours après celui de Cathy Fleury. C’est en effet une salle qu’elle connaît bien. Un an et trois jours plus tôt très exactement, c’est ici qu’elle a écrit un chapitre essentiel de sa vie de compétitrice : le titre de championne du monde décroché en battant la légende britannique Karen Briggs, alors quintuple championne d’Europe et du monde, dont elle est devenue la bête noire au fil des années, avec les titres européens 1989 et 1990 arrachés à la Britannique, avec ce titre mondial en point final. Trois ans pour tout rafler. Cela aura été difficile pourtant, pour la native de Valenciennes.
J’avais trouvé dans le judo de quoi me battre. Je suis une fille des corons, avec deux frères ! J’ai toujours aimé me mesurer. C’était le combat et la gagne, ce que mon professeur à Saint-Amand-les-Eaux, Pierre Beaury, nous avait toujours enseigné.
Cécile Nowak-Grasso
Forgée à la compétition, elle se révèle à elle-même à l’automne 1984 : tournoi international d’Orléans, elle a dix-sept ans et bat la vice championne du monde française Marie-France Colignon, laquelle fera une nouvelle finale mondiale un mois plus tard. « Ce jour-là, je suis sortie de l’adolescence, ce fut le déclic : je pouvais aller chercher des médailles. Je ne pensais pas encore aux Jeux Olympiques, mais j’avais envie de gagner des titres et d’être la meilleure -48 kg. » Montée à l’INSEP dans la foulée, elle se heurte à un système rude, loin de ses bases. Blessée lors de ses premiers championnats du monde en 1987, elle se fait opérer deux fois du genou gauche. « De quoi me mettre la rage ! Chaque jour pendant plus d’un an, je me suis dit : « Je vais revenir et je vais tout claquer. Chaque jour ! » ». Avec le sentiment d’être « délaissée par le staff de l’époque, mis à part Jean-Pierre Gibert », elle retrouvera de la confiance et la résonance de son ambition auprès de Christian Dyot, puis de Guy Delvingt. 1989 sera donc l’année décisive : ça passe ou ça casse, auquel cas elle monterait en -52 kg. « Ma force à ce moment-là, et pendant les trois années suivantes, c’est que je comprenais ce que je faisais, que j’améliorais le dispositif autour de moi à chaque compétition, comme en allant voir une nutritionniste en 1992 pour perdre idéalement mon poids, ce qui était devenu très difficile. » La décision favorable des arbitres en finale des championnats du monde 1991 fait basculer les choses du côté d’un supplément de confiance. Les Jeux Olympiques approchent.
Les grandes étapes
de sa carrière
1992 : l'état de grâce
« Dès mon réveil, j’ai senti cet état de grâce »
Paradoxalement, ce n’est pas forcément la compétition où les tableaux sont les plus difficiles. L’exigence mentale n’a, en revanche, rien à voir et le risque d’être englouti par l’immensité de l’événement est bien réel pour tous les athlètes, y compris, voire surtout, pour les plus affûtés d’entre eux. La Nordiste, elle, n’a pas connu d’angoisse. « Je suis arrivée tardivement à Barcelone pour cette raison : rester dans ma bulle, d’autant que ces JO à Barcelone étaient vraiment ceux de la fête ! Mais j’étais concentrée, j’avais répété des centaines de fois les scénarios face aux adversaires possibles. Plus tard, on a mis un mot là-dessus : la visualisation. Je faisais ça naturellement. » Le tirage au sort a désigné l’Argentine Carolina Mariani (future vice-championne du monde 1995), la Turque Huly Snyurt (qui sera sur le podium final), l’Italienne Giovanna Tortora (future médaillée mondiale l’année suivante), l’Algérienne Salima Souakri (qui fait là ses débuts mais sera sacrée sept fois championne d’Afrique et classée cinq fois aux championnats du monde et aux Jeux) et enfin la légende japonaise Ryoko Tamura, qui n’a pas encore dix-sept ans.

Cécile Nowak-Grasso a su gérer le phénomène nippon avant même le début de la compétition. Un souvenir encore intact. « J’ai su dès qu’elle a fui mon regard à l’échauffement. Elle baissait la tête, elle qui avait d’ailleurs refusé mon invitation en stage quelques semaines plus tôt. À la première saisie, j’ai su que ce titre serait pour moi, j’avais l’autorité sur ce combat. » Vraiment si facile que ça ? « Dès mon réveil, j’ai senti cet état de grâce et j’ai dit à tout le monde que je me sentais vraiment bien. Tout a été si fluide… C’est peut-être cela que la psychologie du sport appelle désormais le « flow ». » La Française ira ensuite chercher une médaille européenne et une médaille mondiale en 1993, dans la catégorie des -52kg qu’elle a finalement rejointe. Mais le cœur n’y est plus. Elle a même envie de couper avec le milieu du judo. Elle donne rapidement priorité à sa vie de jeune mère de famille, dès 1994, avant de revenir dans le giron du judo. Sa médaille d’or olympique, elle, n’est jamais très loin. « Ce que change un titre olympique ? On reste dans le temps, la médaille ne s’arrête pas de briller, parce qu’elle demeure un rêve dans les yeux des gens que l’on rencontre. C’est pour cela que je la fais vivre et que je la partage autant que je peux. »
Victoire sur des légendes
Cécile Nowak-Grasso aura réussi quelque chose de remarquable au-delà de son palmarès exceptionnel. En effet, elle a d’abord mis fin au règne de la Britannique Karen Briggs. Au niveau européen d’abord, puis en lui arrachant le titre mondial en 1991 alors même que son adversaire s’y présentait en tenante du titre depuis 1982, en quête d’un cinquième titre consécutif. Une victoire sur une légende vieillissante… mais aussi sur une légende naissante. Sa victoire sur Ryoko Tamura-Tani, la Française ne le sait pas encore, mais il s’agit d’une performance face à une combattante d’exception. Déjà médaillée mondiale en 1991, la Japonaise s’apprête à aller décrocher sept titres mondiaux consécutifs mais aussi quatre autres médailles olympiques (dont l’or en 2000 et 2004) pour un bilan de carrière vertigineux : soixante-six victoires en soixante-dix combats.
Barcelone,
les filles au sommet
Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Cette année-là, l’équipe de France féminine remporte quatre médailles (bronze pour Laëtitia Meignan en -72 kg et Natalina Lupino en +72 kg), mais ce sont surtout les deux titres olympiques de Cécile Nowak donc et de Cathy Fleury (-61 kg) qui constituent une performance… jamais égalée depuis ! En effet, si les JO de 2012 à Londres et ceux de 2021 à Tokyo voient l’équipe féminine remporter cinq médailles, ce sera, à chaque fois, avec une seule médaille d’or (Lucie Décosse en 2012, Clarisse Agbegnenou en 2021, toutes les deux en -63 kg).

© Presse Sports
Ce qui différencie
les grands champions
« Ce que change un titre olympique ? On reste dans le temps, la médaille ne s’arrête pas de briller, parce qu’elle demeure un rêve dans les yeux des gens que l’on rencontre. C’est pour cela que je la fais vivre et que je la partage autant que je peux. »
Cécile Nowak-Grasso
Fiche d'identité
Date de naissance
Née le 22 avril 1967
Lieu de Naissance
Valenciennes
Taille
1m62
Catégorie
-48kg
Niveau
8e dan depuis 2022
Techniques favorites
o-goshi
Clubs précédents
Judo Club du Parc Saint-Amand les Eaux ; AC Boulogne-Billancourt
