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Chapitre 1

Les origines du judo →

Chapitre 2

Les fondements
du judo →

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Le judo en France →

Chapitre 4

Le judo en compétition →

Chapitre 5

Le France, grande nation du judo mondial →

Chapitre 6

Le Judo aux JOP →

Mikinosuke Kawaishi,
le pionnier

Mikinosuke Kawaishi (1899-1969)

Pionnier et aventurier

Un brin aventurier… Les États-Unis dès ses vingt-huit ans, où il fait des études d’économie politique, un long périple en Amérique du Sud, la Grande-Bretagne… L’homme de trente-six ans, qui vient prendre en main les destinées du club de Monsieur Mirkin au 62 de la rue Beaubourg dans le 3e arrondissement de Paris, ne manque pas d’expérience.

Mikinosuke Kawaishi
© France Judo - Exposition "Le judo et ses origines" (2023)

Il fonde rapidement son propre club dans la même salle, le Club Franco-Japonais, et donne bientôt des leçons particulières à Feldenkrais – qui sera d’ailleurs la première ceinture noire officieuse décernée par le maître japonais. Ce dernier fermera son club de la rue Beaubourg pour rejoindre la salle de Feldenkrais comme directeur technique – rue Thénard et, plus tard, au 10 bis rue du Sommerard dans le 5e arrondissement. 

En se réunissant, les deux groupes opèrent la fusion des premiers élèves historiques de Kawaishi, dont le jeune Jean De Herdt, avec l’élite intellectuelle qui pratique le judo sous l’influence de Feldenkrais. Une part de la notoriété, de l’ambition et de l’exigence du judo français naît de ce moment historique.

La « méthode Kawaishi »

La « méthode Kawaishi » lui appartient sans aucun doute, mais la vivacité d’esprit de Feldenkrais a contribué à l’approfondir. Mikinosuke Kawaishi construit sa méthode à partir des échanges avec ses élèves occidentaux, dont Moshe Feldenkrais. Il propose un mode d’apprentissage très didactique, qui se distingue par un classement personnel différent de celui du gokyo japonais, où chaque technique est identifiée par des numéros (1er de jambe, 2e de hanche…). Il met également en place un système de grades plus progressif jusqu’à la ceinture noire. C’est ainsi qu’il réussit ce que ses prédécesseurs (comme les cinquièmes dan Aida et Ishiguro du Kodokan dix ans plus tôt) ne sont pas parvenus à faire : alimenter sur le long terme la soif d’apprendre de son premier public français, flatter son goût pour une progressivité à la française, loin du modèle japonais. Si le passage d’Ichiro Abe va relativiser ce modèle, c’est pourtant celui qui va accrocher la conviction d’une nation, qui va l’intéresser et la convaincre d’apprendre.

Mikinosuke Kawaishi et Paul Bonnet-Maury
© France Judo - Exposition "Le judo et ses origines" (2023)
Mikinosuke Kawaishi et Shozo Awazu, invités du Festival International de judo à Biarritz (1951)
© France Judo - Exposition "Le judo et ses origines" (2023)
Réception lors du retour en France de Maître Kawaishi en présence Jean Beaujean, Jean De Herdt, Jean Zay, Guy Pelletier, Maurice Philippe.
© France Judo - Exposition "Le judo et ses origines" (2023)
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Mauvais mental

Mikinosuke Kawaishi, c’est la figure du maître oriental bourru, aux remarques aussi souvent profondément pertinentes qu’acérées, c’est l’homme des histoires à double sens, des remarques sibyllines, des tests de comportement, comme celui qui consistait, pour leur inscription, à tendre aux impatients, désireux d’apprendre, un crayon dont la mine s’enfonçait, mesurant ainsi rapidement la capacité de patience et d’adaptation du nouveau membre. C’est l’homme aussi qui demandait qu’on fermât les rideaux quand on montrait les techniques secrètes d’étranglement ou de self-défense – une dimension guerrière, ju-jutsu, qui, à rebours de la tendance Kodokan, fit toujours partie de son enseignement. C’est celui enfin qui assenait un « mauvais mental ! » péremptoire quand le comportement de l’un ou l’autre n’était pas conforme à une attente non dite. Par son attitude aussi il sut séduire, faire réfléchir et même rêver les premiers adeptes d’une discipline confidentielle qui allait devenir une organisation nationale, en partie sous son impulsion. 

Mikinosuke Kawaishi, Shozo Awazu, Paul Bonet-Maury
et Jean-Marcel Andrivet (1955)
© France Judo - Exposition "Le judo et ses origines" (2023)

Il est omniprésent dans les démonstrations, les passages de grade, tandis que la ceinture noire n°2, le radiobiologiste de renom Paul Bonét-Maury, organise les prémices d’une structure fédérale. En tant que directeur technique, il entraîne les meilleurs combattants, ses élèves. Inventif et moderne, il impose un championnat féminin quand la plupart des professeurs français sont plutôt contre. Il invente une réunion des ceintures noires qui deviendra le Collège National dont il reprendra la tête à son retour du Japon après-guerre, rappelé par le judo français qui ne s’imagine alors pas sans lui. 

Mais la croissance du judo national et les crises qui l’accompagnent marginalisent progressivement le « père » du judo français. La création de la FFJDA (qui prend le relais de la FFJJJ) en 1956 l’écarte progressivement de tout rôle politique et technique. Il vivra des cotisations des élèves de son club, boulevard Blanqui, dans le 13e arrondissement de Paris. Quand Jean Pimentel succède à Paul Bonét-Maury et termine son mandat sur l’organisation des championnats du monde à Paris en 1961, il s’agira de la dernière apparition officielle de Mikinosuke Kawaishi, père du judo français. Claude Collard oriente alors la fédération vers une dimension sportive, et le cap des 100 000 membres sera atteint en 1966.

Son influence