Le judo a aidé Prescillia Lézé à se libérer de la haine légitime qu’elle a ressenti envers celle qui l’a plongé dans les ténèbres. Étrangement, la Vauclusienne assure n’a « pas mal vécu » la perte de la vue car elle ne se serait « pas rendu compte ».

Tout aussi inimaginable, la force nécessaire pour être capable de dire, aujourd’hui : « Grâce à cet événement, finalement, j’ai atteint le haut niveau dans mon sport et je me porte bien. La roue a tourné ». Le judo, Prescillia Lézé le pratiquait depuis ses 2 ans et demi. Elle a participé aux championnats régionaux valides en cadette puis en junior et se souvient de ses classements : 7e et 2e par équipes. Elle a été la première judoka malvoyante à participer aux championnats de France seniors en première division. Ce jour-là, elle était « très stressée » car de nombreux journalistes étaient venus pour la voir combattre et raconter son histoire.

Malgré sa déficience visuelle, elle s’est d’abord montrée réticente à la pratique du para-judo. « Au début, vers 16 ans, je n’y étais pas favorable car je voulais me sentir comme tout le monde », confie-t-elle. Son point de vue a totalement changé : sans le para-judo, qui lui plait « de plus en plus », elle est persuadée qu’elle aurait arrêté. Le para-judo tricolore peut se féliciter qu’elle ait continué. Aux championnats d’Europe en 2022, les mots de Cyril Pages, entraîneur de l’équipe de France paralympique, ont produit un déclic : deux victoires contre la championne paralympique en titre puis la concurrente anglaise, ont ouvert la route vers la finale. Une médaille d’argent transformée en or, un an plus tard. Le même métal est son objectif aux Jeux paralympiques, à Paris ou dans quatre ans, à Los Angeles.

Dans sa vie quotidienne, Prescillia Lézé « refuse toute l’aide possible » pour rester autonome, dans son appartement ou dans les transports en commun. Il n’y a qu’en l’absence de solution pour se déplacer qu’elle se résout à saisir les mains tendues. En revanche, elle tend volontiers les siennes aux jeunes victimes de harcèlement scolaire. Elle intervient régulièrement dans les écoles, encourage les élèves à s’exprimer. « Beaucoup de petits sont venus me voir en me disant qu’ils vivaient la même chose, qu’un autre les frappait dans la cour. Ils se livrent », témoigne-t-elle. Le harcèlement scolaire, dernièrement pris à bras-le-corps par le gouvernement, malmène une proportion dramatique d’enfants : dans un village proche de chez elle, quinze jeunes sur une quarantaine se sont déclarés harcelés, d’après Prescillia, satisfaite que les établissements réagissent désormais plus vite.

Parce que le harcèlement à l’école reste un « tabou », Prescillia veut continuer à se battre contre ce fléau. « Il faut en parler de plus en plus pour que les jeunes ne ressentent aucune honte. Petite, je n’avais pas osé m’exprimer, ce sont les maîtresses qui en ont parlé. Je pensais avoir fait quelque chose de mal donc, pour moi, c’était normal. C’est plus tard, au collège, que j’ai compris que ça ne l’était pas ».