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Chapitre 1

Les origines du judo →

Chapitre 2

Les fondements
du judo →

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Le judo en France →

Chapitre 4

Le judo en compétition →

Chapitre 5

Le France, grande nation du judo mondial →

Chapitre 6

Le Judo aux JOP →

Les fondements
du judo


Rédaction : © Agence Sen no Sen

Ce fut un choix décisif à la portée considérable : quand Jigoro Kano se sentit prêt à diffuser sa propre méthode de jujutsu, comme ses professeurs successifs de la « Tenjin Shinyo Ryu » et de la « Kito Ryu » lui en avaient donné le droit, il ne créa pas une nouvelle école (ryu), une nouvelle méthode (jutsu), mais une voie (do), un mot de la tradition japonaise que l’on peut traduire aussi par « domaine à arpenter et à découvrir », qui donna une nouvelle portée au projet de synthèse des écoles de jujutsu. Il s’agissait pour lui, non seulement de proposer le meilleur système de combat à mains nues de son époque à partir d’une synthèse des anciennes écoles, mais aussi de faire de cet apprentissage le levier de la bonne construction physique et psychique de chaque pratiquant. 

La formation positive reçue au judo, les bienfaits individuels que l’on en retire, sont bénéfiques aussi, par extension, à la société toute entière.

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Principes
fondamentaux

© Photo : France Judo / Pauce

Au cours de sa vie, dans sa réflexion sur le judo qu’il avait créé, Jigoro Kano a mis en avant trois concepts fondamentaux qui se combinent pour contribuer à faire du judo un formidable système de combat et une école capable de forger, sur la base du travail physique et technique, une éthique individuelle et collective, une philosophie de vie pragmatique et performante. Au judo, le développement harmonieux des qualités du corps (tai) passe par l’étude approfondie et l’entraînement du patrimoine technique (gi), exigeant de l’esprit (shin) un engagement fort. Cet ensemble, formalisé au judo par le terme populaire « shin-gi-tai », forme un cercle vertueux où chaque élément renforce les deux autres dans une dynamique positive de progrès.

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JU
l’adaptation

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SEIRYOKU ZENYO
la bonne utilisation de l’énergie

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JITA YUWA KYOEI
la prospérité mutuelle
par l’union des forces

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JU - l’adaptation

Traduit par « souplesse » dans les temps pionniers en France (on disait du judo que c’était « la voie de la souplesse »), le premier principe est celui de la non-résistance et de l’adaptation aux forces (Ju).

Ce principe millénaire de la pensée orientale, dont on trouve la trace dans les textes anciens chinois et japonais, est ce qui réunit les écoles de jujutsu traditionnelles : l’art d’utiliser la force adverse par l’application de la bonne technique. Le jeune Jigoro Kano, dont le physique chétif ne lui permettait pas de s’imposer, se passionna pour cette étude appliquée au combat et la garda au cœur de sa propre création. C’est d’abord à l’exploration de ce « secret » ancien que Jigoro Kano nous invite.
Technique : Ko uchi gari
© Photo : France Judo / Pauce

Le concept est simple : s’adapter à la force mise dans le face-à-face par l’adversaire avec l’enjeu de contourner et de retourner cette force en cédant d’abord devant elle pour mieux projeter. Cette maîtrise demande de privilégier une posture technique droite et mobile, une attitude souple et réactive qui est encore aujourd’hui la signature des meilleurs experts de judo et des grands compétiteurs olympiques. Son étude commence dès les premières séances de judo, où, débutant, on apprend à reculer quand le partenaire avance, pour mieux le déséquilibrer et placer la technique.

L’adaptation est une des caractéristiques les plus fortes du judo. Dans l’esprit de Kano, l’adaptation relève du physique sur le tapis, mais concerne autant, voire davantage, l’attitude mentale et la capacité à réagir aux situations extérieures.

© Photo : France Judo / Pauce

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SEIRYOKU ZENYO
la bonne utilisation de l’énergie

En cherchant la formule la plus précise pour définir le judo dans toute sa dimension, Jigoro Kano a voulu dépasser le principe « ju » des anciennes écoles, en l’englobant dans une vision à la fois plus large et plus précise.
Il l’exprime par cette maxime : le judo est la recherche du « meilleur emploi de l’énergie » (Seiryoku saizen katsuyo, le plus souvent réduit à l’expression « seiryoku zenyo », utilisation habile et bonne de l’énergie), l’art de l’efficacité maximum dans l’usage de l’esprit et du corps. C’est dans ce sens qu’il faut travailler les techniques, en s’appuyant sur les effets de déséquilibre et de levier qui permettent à un combattant plus léger de projeter sur le dos avec puissance un adversaire plus fort physiquement et de le contrôler facilement au sol.
Technique : De-ashi-harai
© Photo : France Judo / Pauce

C’est ce qui fait du judo un art de la sobriété, où l’on cherche toujours le levier le plus efficace, sans dépense d’énergie inutile. C’est dans cette perspective que le « gokyo », la nomenclature technique japonaise, place en première étude, avec valeur d’exemple, le balayage du pied avancé (de-ashi-barai), qui permet de faire tomber sans aucune force l’opposant le plus puissant et le plus lourd. Le concept s’applique à l’esprit aussi bien qu’au corps, en cherchant constamment le chemin le plus pertinent, la méthode la plus adaptée, l’attitude la plus juste.

Pour Kano, le « seiryoku zenyo » doit devenir un principe directeur, une philosophie de vie.

© Photo : France Judo / Pauce

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JITA YUWA KYOEI
la prospérité mutuelle
par l’union des forces

Si le principe de la bonne utilisation de l’énergie est le socle, celui de « l’entraide et de la prospérité mutuelle », comme on traduit le plus souvent cette dernière maxime, l’idée de faire les choses ensemble, pour le bénéfice de tous, en est la clé de voûte.

Le judo, discipline de combat, sport olympique, demande une forte concentration sur et pour soi-même, unique façon de progresser, mais toujours avec le souci des autres, en tenant compte du partenaire et du groupe. L’effort que l’on fait pour soi-même ne peut entraver ni léser l’épanouissement des autres. Loin d’être un frein à nos désirs et à nos ambitions, cette injonction est autant pragmatique que morale car, « la bonne utilisation de l’énergie », c’est aussi de comprendre que le pur individualisme et égoïsme des autres, nous prive du dynamisme du travail collectif, source des progrès sur le long terme, de soutien et de joie quotidienne.

© Photo : France Judo / Pauce

Dans cette dimension participative, le développement de chacun contribue au développement de tous, et par extension de la société tout entière. C’est le rôle que le club de judo joue dans la vie des licenciés. C’est notre destin individuel de vivre en société et d’y trouver sa place, celle qui contribuera à l’élan général grâce aux efforts que nous aurons fournis pour nous-mêmes, et cela commence au dojo, dans un club.

C’est l’espoir du judo que de pouvoir offrir, au-delà des joies de la pratique, de la maîtrise technique et des acquis physiques et mentaux que l’on y gagne, une forme d’éducation citoyenne.

© Photo : France Judo / Pauce

La rubrique

Citations

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Piliers
fondateurs

Le dojo

La tenue

Le professeur

Le partenaire

Le salut

La chute

Bases techniques

Le randori

Le shiai

Le ippon

Le kata

Le grade

Le dojo

C’est dans un dojo, au cœur du club, que se pratique le judo. Issu de la culture japonaise, il n’est pas une simple salle de gymnase, mais un lieu propice à l’étude qui isole du monde extérieur pour mieux permettre la concentration. Avec sa disposition traditionnelle toujours présente, même si elle est souvent simplifiée hors du Japon, le dojo permet l’organisation de la séance de judo en instituant une disposition des enseignants et des élèves selon un ordre précis qui reflète la hiérarchie du mérite et de l’ancienneté.

Un salut à la japonaise accompagne toujours l’entrée et la sortie du dojo. On entre dans la salle sans chaussure, avec des sandales de type « zooris » aux pieds, et on est toujours pieds nus sur le tapis. Comme toute salle d’étude, le dojo possède un règlement intérieur, le plus souvent implicite, mais qui doit être respecté scrupuleusement : ponctualité, propreté, écoute, contrôle de ses actes et de ses paroles, bonne attitude et comportement juste, engagement et constance dans l’effort. Le dojo symbolise une école particulière à travers le temps et donne une part de son identité au groupe qui s’y entraîne. Au-delà des murs, ce sont les pratiquants eux-mêmes, leur lien et leur pratique commune qui incarnent le dojo.

La tenue

Inspiré de la tenue japonaise la plus simple et la plus rustique, le judogi a été pensé pour la pratique avec, notamment, un pantalon assez long pour protéger des frottements du tapis. On parle souvent improprement de « kimono », qui désigne plutôt aujourd’hui le vêtement traditionnel japonais féminin.


Non teinté à l’origine par souci d’économie, sa couleur blanche est désormais la symbolique la plus forte du judo, exprimant dès le premier regard à la fois la solidité, la rectitude et la modestie. Cet uniforme commun à tous, que rien ne vient démarquer à part le nom de celui qui le porte et l’écusson de son école, de son club ou de sa nation, exprime l’égalité des pratiquants entre eux, qui ne se distinguent qu’au mérite et par la maîtrise. La veste en coton du judogi est l’un des éléments de la richesse du système de combat du judo qui permet une très grande variété de projections et de contrôles au sol.


La fédération internationale a instauré à la fin des années 1990 le kimono bleu pour les compétitions de haut niveau, permettant une meilleure lisibilité visuelle, notamment pour les retransmissions télévisées. La couleur blanche reste cependant toujours exclusive dans la plupart des dojos français et une référence pour le grand public.

Le professeur

Au Japon, le professeur se dit « sensei », un mot qui désigne celui qui est le premier dans le processus de transmission, ce qui implique la responsabilité d’être exemplaire par le comportement. En France, le professeur est au moins ceinture noire 2e dan, il est diplômé de l’État français.

Il guide l’apprentissage de chacun en fonction de ses besoins propres vers la maîtrise technique du judo, connaît non seulement très bien la discipline qu’il enseigne, mais aussi les processus d’apprentissage. D’une façon plus large, il maîtrise les étapes importantes du parcours d’un judoka. Sensible à la dimension psychologique de ce parcours, son enseignement précis et strict s’accompagne toujours d’un regard bienveillant envers ses élèves et de beaucoup de vigilance face aux dérives possibles et aux difficultés individuelles. Il est le pilier central au cœur du dojo.

Le partenaire

Le judo est une discipline individuelle qui se pratique à deux. Si le parcours est personnel, il n’y a pas de judo possible sans un partenaire avec lequel apprendre et s’entraîner. C’est pourquoi l’un des premiers apprentissages est d’être vigilant au bien-être de son partenaire dans l’exercice, d’être sensible à son niveau d’expérience et de maîtrise, à ses forces et à ses limites. Il est de coutume de mettre les pratiquants inexpérimentés entre les mains des ceintures noires, lesquelles sont les mieux aptes à contrôler la situation d’apprentissage, à protéger ces pratiquants de leurs propres insuffisances, mais aussi à les guider sur le chemin des progrès en les incitant, par leur attitude et leurs actions, à mieux saisir l’esprit de l’exercice et sa forme.

Le salut

Essentiel dans la société japonaise, le salut, sous la forme d’une inclinaison du buste debout ou à genoux, accompagne le judo partout dans le monde. Debout (ritsurei), on salue en fléchissant le buste de trente degrés environ, talons joints, le regard baissé, les mains en contact avec les cuisses. À genoux, on pose d’abord le genou gauche, puis le droit, l’inverse pour le retour à la position debout, le visage vient s’incliner vers le sol entre les mains, orientées l’une vers l’autre.

Le salut est la marque symbolique et formelle du respect pour les lieux, les partenaires et les professeurs qui accompagnent nécessairement l’apprentissage.

On salue en entrant et en sortant du dojo, au début et à la fin de chaque séance, en allant à la rencontre d’un partenaire comme en le quittant. On salue au début et à la fin des combats d’entraînement, pour montrer dans quel cadre la pratique s’effectue, y compris quand ses phases sont disputées. Dans une compétition de quartier comme aux Jeux Olympiques, le salut ouvre et ferme la phase de confrontation et de rivalité, et il la referme, pour ne laisser que les émotions positives, celles de l’attention à l’autre, de sa reconnaissance, de la fraternité des pratiquants entre eux.

La chute

Art de la projection et du contrôle au sol, le judo réclame la capacité de bien chuter comme première maîtrise. Avec le salut, c’est le tout premier apprentissage dans un club de judo. Elle garantit une totale intégrité corporelle, même dans les confrontations les plus intenses. Au-delà de cette première dimension essentielle, elle devient une disposition mentale autant que physique à accepter avec aisance la perte d’équilibre, la projection subie ou tentée, s’ouvrant ainsi le chemin des progrès. Un judoka bien formé ne craint pas le risque de chute, ne se crispe pas, ne se sent pas démuni dans cette perte d’appui, ce qui le rend apte à rester relâché et disponible dans le combat debout, comme à garder toute ses capacités pour le combat au sol. Quand la chute fait partie de l’expérience, elle n’est plus un problème : ce qui compte alors, c’est de se relever à chaque fois. Le pratiquant qui a développé sa capacité à chuter nourrit aussi sa capacité à devenir un excellent partenaire, ce qui est fondamental pour permettre la qualité du travail à deux. Aucune projection de judo n’est possible sans un judoka pour bien l’effectuer, et un autre pour bien la subir. L’adage traditionnel dit que la chute est un investissement.

Plus on tombe, plus on apprend. Au-delà de cette compétence spécifique à la discipline, la capacité à bien chuter et sans doute l’un des plus grands cadeaux du judo, permettant une vie plus sûre dans un monde où, en France, dix-mille personnes meurent encore chaque année d’une mauvaise chute.

Les bases techniques

Discipline de combat où l’engagement et la détermination sont déterminants, le judo n’en est pas moins un art complexe, particulièrement riche, qu’il s’agit de conquérir en passant par l’apprentissage approfondi et la maîtrise progressive de postures, de déplacements, de formes techniques fondamentales, de facteurs dynamiques d’exécution. Le patrimoine technique du judo est issu de l’histoire même du Japon combattant et de ses milliers d’écoles traditionnelles. Un ensemble collecté, organisé et réformé par le créateur du judo, Jigoro Kano, notamment à travers un répertoire technique que l’on appelle « gokyo » (« les cinq principes » en japonais, car les techniques originelles étaient classées en cinq groupes de niveau), visant à permettre la « meilleure utilisation de l’énergie » dans la perspective d’un combat.

La répétition gestuelle est en judo, comme dans tous les arts du corps, la meilleure façon, non seulement de permettre au corps de s’adapter de mieux en mieux à ce qui lui est demandé, mais aussi de créer sa propre mémoire des mouvements, des postures et des rythmes. Les exercices traditionnels les plus utilisés en judo sont « uchi-komi », consistant à faire en série un travail d’ouverture et de déséquilibre, « nage-komi », la répétition de projections, « yaku-soku-geiko », consistant en un travail libre des techniques dans lequel on se met d’accord sur le type de réactivité du partenaire, généralement quasiment sans opposition, et « kakari-geiko », dans lequel le partenaire offre une opposition dosée à celui qui va répéter en déplacement une technique ou un enchaînement spécifique. Comme dans tous les arts, ceux qui parviennent à un niveau élevé de maîtrise ont une expression personnelle, singulière du judo, qui mêle l’élégance du principe parfaitement exploité à l’efficacité du geste.

Le randori

Le « randori-geiko » est aussi un exercice d’apprentissage, et de loin le plus utilisé du judo, occupant une large part dans les temps de pratique. Ce mot japonais évoque l’idée d’une saisie libre (sans ordre préétabli) et de la tempête de l’imprévisibilité des mouvements qui viennent troubler l’esprit et l’exécution de nos propres gestes. Il s’agit du combat libre d’entraînement, où l’on tente les gestes face à l’opposition raisonnée du partenaire, sans brutalité, sans esprit de victoire ni de défaite, mais avec la volonté d’exprimer son judo du mieux possible. Le randori est une escrime des corps qui demande de garder toujours une bonne perception des enjeux de progression technique, en évitant la crispation, les attitudes trop défensives, les saisies trop fermées.

Le but est de parvenir à appliquer les séquences techniques apprises dans une perspective ouverte et dynamique, sur un partenaire qui cherche à faire obstacle et tente lui-même de projeter, ou de contrôler quand il s’agit d’une phase de randori au sol. Jeu d’opposition à visée d’apprentissage, il suppose aussi une attention fine au partenaire et doit être pratiqué dans un esprit collaboratif et ouvert à l’autre. Il est de tradition que le pratiquant expérimenté se mette au niveau de son partenaire pour lui permettre de s’exprimer et de progresser.

Le shiai

Dans l’esprit du créateur du judo, le « shiai » (la compétition) fait aussi partie des exercices d’apprentissage. Il permet de juger, dans des combats arbitrés, de l’efficacité des combattants à placer leurs techniques de projection et de contrôle sur des adversaires déterminés eux aussi à les vaincre. Il en organise tous les mois dans son école du Kodokan et de grandes compétitions par équipes ont lieu deux fois par an, en plus des passages de grade. Il avertit cependant régulièrement ses élèves de ne pas succomber à la tentation de la victoire à tout prix : le shiai doit demeurer une démonstration de maîtrise technique et mentale. Épreuve psychologique à double titre, la compétition de judo nous confronte à un autre judoka, mais aussi à nous-même. Il s’agit de trouver des solutions pour vaincre celui qui nous fait face en adversaire le temps de ce combat, mais aussi de constater ce qui nous manque encore, ce qu’il faut améliorer.

La compétition est une épreuve de vérité. Elle ouvre aussi sur la science de la saisie (kumi-kata) et de la tactique de combat. Depuis les débuts du judo, cet aspect de la pratique a connu un extraordinaire développement, avec les premiers championnats de France masculins en 1943 (1974 pour les femmes), les premiers championnats d’Europe en 1951 à Paris (1975 pour les femmes à Münich), les premiers championnats du monde en 1956 à Tokyo (1980 pour les femmes à New-York). En accédant aux Jeux Olympiques en 1964 à Tokyo (1988 en démonstration à Séoul, et en 1992 à Barcelone officiellement pour les femmes), le judo est devenu un sport universel qui rassemble des millions d’adeptes dans le monde entier. L’avertissement de Jigoro Kano n’en reste pas moins valable : la compétition doit démontrer la valeur d’un judoka sur le plan physique (tai), technique (gi) et mental (shin). Les grands champions sont des exemples.

Le ippon

C’est le but de chaque randori (combat d’entraînement), l’idéal de chaque combat de shiai (combat en compétition) : marquer ippon, c’est-à-dire projeter l’adversaire sur le dos avec contrôle du mouvement, vitesse et puissance, ou l’amener à l’abandon par immobilisation (osae-komi), luxation (kansetsu-waza) ou étranglement (shime-waza) au sol, selon les règles. Tout l’apprentissage du judo vise à acquérir les moyens de placer une technique réussie dans le jeu dynamique d’opposition. Le mot « ippon » désigne le point marqué. À l’origine, dans les premières compétitions, il fallait en marquer deux pour emporter le combat et il n’y avait pas d’autre marque possible. Rapidement, un seul point (ippon) a suffi pour démontrer sa supériorité et l’emporter, métaphore de l’attaque décisive dans un combat réel d’où sont issus la culture et le patrimoine technique du judo. À mesure que la compétition a pris de l’importance et qu’il a été de plus en plus nécessaire de désigner à chaque fois un vainqueur, on a comptabilisé des marques intermédiaires. Le waza-ari, marque actuellement utilisée en compétition, est un ippon imparfait, un « presque point » selon le sens japonais du mot (qu’on peut traduire littéralement par « il y a technique »). À certaines époques, on a utilisé les marques « yuko » et « koka » pour identifier des actions toujours plus imparfaites, mais méritant un score. Ce n’est plus le cas depuis 2017-2018. Par le ippon, le judo définit son but, à l’entraînement comme en compétition : exprimer la perfection du geste dans la discordance d’une opposition, affirmer un moment d’ordre dans le désordre. Le ippon est la quête du judoka.

Le kata

Procédé traditionnel, le kata est pratiquement l’unique méthode employée par les écoles anciennes de jujutsu pour transmettre de génération en génération leurs techniques et pour permettre à leurs élèves de se former physiquement en les répétant, comme le suggère le sens du mot japonais : « forme », « moule ». Il s’agit alors le plus souvent d’un catalogue, d’un enchaînement codifié de techniques choisies pour leur caractère exemplaire, pratiquées par deux judokas avec chacun son rôle, celui de « tori » (qui porte la technique) et celui de « uke » (qui la subit). Dans sa réforme globale du patrimoine traditionnel, Jigoro Kano reprend les fonctions premières du kata, en ajoutant une dimension de classification technique et de mise en scène du principe « ju », le principe premier du judo. Une fois mémorisé, le kata, considéré souvent comme la grammaire du moyen d’expression qu’est le judo, doit se pratiquer avec précision, fluidité et intensité. La démonstration de kata accompagne, avec le randori, tous les examens de grade.

Le judo privilégie huit katas, pour la plupart formalisés par Jigoro Kano et ses élèves. On appelle « randori-no-kata », l’ensemble des deux katas de base du judo. Le nage-no-kata, le kata des projections, qui comporte cinq séries de trois projections différentes exécutées à droite et à gauche, représentant cinq familles de techniques, cinq principes de projection, avec la mise en valeur des phases de préparation et de déséquilibre. Ensuite, le katame-no-kata, le kata des contrôles (au sol), quinze techniques présentées en trois séries, illustrant les principes d’immobilisation (osae-komi waza), de strangulation (shime-waza) et de luxation (kansetsu-waza). Les autres katas sont le kime-no-kata, qui met en avant l’esprit de décision (kime) à travers l’exécution de techniques traditionnelles de défense, le ju-no-kata, dit « kata de la souplesse », conçu au départ pour l’entraînement des femmes japonaises, le go-no-sen-no-kata, qui présente trois contres pour chacune des douze techniques de base du judo (créé à l’université de Waseda et popularisé en France par Mikinosuke Kawaishi, il n’est pas reconnu par le Kodokan japonais), le goshin-jitsu-no-kata, formé tardivement en 1956, qui présente vingt-et-une technique de défense contre armes « modernes », le koshiki-no-kata, dit « kata des formes anciennes » et repris de l’école kito-ryu fréquentée par Jigoro Kano dans sa jeunesse, présente des techniques de défense sans arme inspirées par les situations de champs de bataille anciennes, et enfin le itsutsu-no-kata, le kata des cinq éléments, visant à renforcer la perception de l’esprit des éléments fondamentaux, terre, feu, vent, eau et vide, inclus dans les techniques de judo. Ce kata est lié aux très hauts grades.

Le grade

Le grade de judo est une invention de Jigoro Kano, institué pour ses élèves du Kodokan, et par la suite employé par imitation dans de nombreuses disciplines japonaises. Il est le symbole de la progression du pratiquant, tant sur le plan technique (gi) et physique (tai) que sur le plan mental (shin). La ceinture en est la marque apparente. Le grade se subdivise en deux groupes essentiels, les grades « kyu », avant la ceinture noire, et les grades « dan », qui commencent avec celle-ci, la ceinture noire étant la marque du premier dan et des quatre suivants. Le mot « kyu » exprime l’idée de rattraper quelqu’un, de construire méthodiquement en passant les étapes une à une. Jigoro Kano en avait institué cinq, lesquels étaient tous marqués par le port de la ceinture blanche. Le professeur japonais Mikinosuke Kawaishi, promoteur du judo en France, a institué les ceintures de couleur pour les « kyu », une idée reprise dans le monde entier. Le « dan » suggère l’idée d’échelons, d’étapes qui forment un tout. Le judo en compte dix. Les cinq premiers sont représentés par la ceinture noire, le sixième, le septième et huitième dan par la ceinture rouge et blanche.

Au neuvième comme au dixième dan, on porte la ceinture rouge. Le grade ne marque pas seulement un niveau de maîtrise technique, il symbolise un accomplissement global, notamment dans la maturation du caractère, une dimension qui prend de plus en plus d’importance dans les hauts grades. Marque de reconnaissance, chaque nouveau grade est aussi une responsabilité nouvelle vis-à-vis de la discipline comme dans l’exigence personnelle. Le gradé est exemplaire. La ceinture noire a toujours une puissance symbolique inégalée, non seulement pour les pratiquants de judo, mais aussi toute la société, et dans le monde entier. En France, elle incarne un diplôme officiel reconnu par l’État et apprécié du monde du travail.