Cathy
Fleury
-61kg
Quatre ans après les trois médailles obtenues par le judo féminin encore en démonstration à Séoul, c’est elle qui lancera, au bout du suspense, le compteur d’or tricolore.
Genoux à terre, les mains ouvertes vers le ciel, Cathy Fleury exulte. Un drapeau rouge et le bras de l’arbitre central la désignant viennent de la propulser sur la première marche du podium barcelonais, à l’issue d’un duel étouffant avec l’Israélienne Yael Arad, première médaillée olympique – tous sports confondus – de l’histoire de sa nation. « C’est une finale que je n’ai jamais eu envie de revoir », assure a posteriori cette offensive dans l’âme, quelque peu contrariée ne pas avoir su conclure sa journée pleine d’allant par un pion. Au contraire de sa demi-finale contre la Coréenne Hyun-Sook Koo, où elle était pourtant mal embarquée après avoir concédé un yuko.
C’est le combat dont je suis le plus fière car je n’arrivais vraiment pas à la saisir jusqu’à ce balayage enchaîné d’une clé de bras. La récompense de tout ce travail mené en ne-waza.
Cathy Fleury
Un champ technique approfondi notamment depuis son arrivée à l’AC Boulogne-Billancourt à la rentrée 1988, sous les ordres de Jean-Pierre Gibert, spécialiste du genre, et de Christian Dyot. « Avoir cette sensation d’être « calculée » par ces deux entraîneurs qui posent les yeux sur moi a changé mon état d’esprit. » De quoi dissiper les doutes nés de ses premiers championnats d’Europe seniors manqués cette année-là à Pampelune en Espagne, où elle est nettement dominée par la Tchèque Lenka Sindlerova. « Comment pouvait-elle me battre si simplement ? S’entraîne-t-elle plus ? Mieux ? Il fallait que je comprenne pourquoi. » Exécrer l’échec, un moteur puissant pour mettre les bouchées doubles à chaque entraînement et s’assurer d’une revanche éclatante en finale de l’édition 1989, organisée cette fois du côté d’Helsinki. Cinq mois plus tard, c’est le monde qui est à ses pieds à Belgrade, pour un doublé qui lui fait paradoxalement perdre le couteau pourtant solidement coincé entre ses dents à chaque sortie. « Je pense bien vivre mon nouveau statut de leader sur le coup, mais je connais un gros trou d’air par la suite. Avoir des titres à défendre, c’est une situation incomparable avec celle d’être affamée ». Ce sera du bronze au tournoi de Paris l’hiver suivant – après un revers en quarts contre Yael Arad, la première grande combattante de l’histoire du judo israélien, qui la dominera à nouveau à Coubertin en 1992, cette fois-ci au stade des demies – avant une nouvelle élimination précoce aux Europe, puis la perte de sa double couronne nationale en janvier 1991. Rien ne va plus.
Les grandes étapes
de sa carrière
Lucidité au meilleur moment
Répétition générale du tournoi olympique espagnol, les mondiaux 1991 se tiennent également dans la capitale catalane. Cathy cède d’entrée contre l’Allemande Frauke Eickhoff, une vice-championne d’Europe qui s’en ira rafler l’or en fin de journée, mais se rattrape en s’offrant le bronze, après avoir notamment battu la Hongroise Zsuzsa Nagy, toute nouvelle plus jeune championne d’Europe de l’histoire [son record tient toujours NDLR] du haut de ses quinze ans. « Cette médaille a stoppé ma glissade et m’a permis de me projeter plus sereinement sur les Jeux. Je n’étais ni au début, ni à la fin de ma carrière, mais je savais que la chance ne se représenterait pas forcément plusieurs fois. Il fallait assumer le fait que je n’ai jamais eu de marge sur la concurrence. Pour compenser, je pouvais m’appuyer sur ma motivation profonde, et sur ma capacité à savoir exploiter ma seule opportunité dans un combat, face à des filles parfois beaucoup plus fortes. »
Reste à savoir si ce 30 juillet 1992 va s’avérer un jour avec ou un jour sans pour l’élève formée à « l’autorité positive » de Jean-Marie Guerville dans son presbytère de dojo… Son morote-gari rapide sur la Zimbabwéenne Debra Anne Warren, son bras de fer remporté face à la Cubaine Leana Beltran, alors triple championne panaméricaine en titre, puis l’abandon de la Vénézuélienne Xiomara Griffith sur une immobilisation où la Française met son cœur et ses tripes, ne laissèrent plus guère de doutes : la pièce est retombée du bon côté ! « J’étais d’une lucidité extraordinaire, Je n’avais jamais été comme ça ! » Au point de ne pas douter une seconde lorsque les deux arbitres de coin s’emparent de leurs drapeaux, alors que l’Israélienne a accéléré en fin de duel pour tenter de laisser la meilleure impression. « J’étais persuadée d’avoir gagné. Pour autant, je n’ai pris conscience que j’étais devenue championne olympique qu’au moment où le drapeau français est monté dans la salle pendant la cérémonie. » Première championne olympique pour le judo français. Une Marseillaise inoubliable.
Un triplé sinon rien
C’est avant tout à l’aune des grands titres que se jugent, une fois le livre refermé, les carrières des plus grands sportifs. En judo, le triptyque championnats d’Europe / championnats du monde / Jeux Olympiques fait ainsi office de juge de paix, consacrant celles et ceux qui ont su faire main basse sur leur catégorie quelle que soit l’échelle. À quelques jours d’intervalle, Cathy Fleury (épouse Vachon quelques mois après son sacre) et Cécile Nowak-Grasso sont les premières à boucler la boucle en seulement trois ans – un de moins que Thierry Rey (1979-1983), imitées par David Douillet sur l’olympiade suivante (1993-1996), quand Lucie Décosse y parviendra en une décennie (2002-2012), Teddy Riner en cinq ans (2007-2012) et Clarisse Agbegnenou en huit (2013-2021).
Jamais loin des anneaux
Si la défense de son titre tourna vite court à Atlanta en 1996 – « mon pouls ne s’est jamais emballé sur cette journée, c’était le signe que je n’y étais plus » – avec deux défaites contre la Japonaise Yuko Emoto et la Russe Tatyana Bogomyakova, l’histoire de Cathy Fleury-Vachon avec les Jeux n’en était encore qu’à ses débuts. Après un long bail aux commandes du pôle espoirs d’Amiens avec Patrice Rognon, elle devient entraîneur national en 2005, nommée par la nouvelle DTN Brigitte Deydier. Pour deux premières médailles féminines – argent pour Lucie Décosse, bronze pour Stéphanie Possamaï – à Pékin trois ans plus tard, puis cinq sur sept possibles – or pour Décosse, bronze pour Priscilla Gneto, Automne Pavia, Gévrise Émane et Audrey Tcheuméo – du côté de Londres en 2012, alors que Cathy lutte en parallèle avec un cancer du sein. En retrait pendant deux saisons, elle revient dans le staff féminin en 2014 pour préparer Rio 2016 – or pour Émilie Andéol, argent pour Clarisse Agbegnenou et Audrey Tcheuméo – avant d’apporter son expérience à l’équipe paralympique en marge des Jeux de Tokyo en 2021 – argent pour Sandrine Aurières et bronze pour Hélios Latchoumanaya.
Fiche d'identité
Date de naissance
Née le 18 juin 1966
Lieu de Naissance
Paris
Taille
1m64
Catégorie
-61kg
Niveau
7e dan
Techniques favorites
de-ashi-barai,
te-guruma
et o-soto-gari
Clubs
JC Chaumontel, JC Fosses, JC Villiers-le-Bel, JC Suresnes, AC Boulogne-Billancourt, Levallois Sporting Club