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Lucie

Décosse

-63kg et -70kg

La Guyanaise aura tout gagné au cours de sa carrière, en s’appuyant sur un judo aussi instinctif que flamboyant, sans faire l’économie de remises en question. Une championne d’exception.

Londres 2012 © Collection EDJ
« Médaille d’or et championne olympique, Luciiiiie Décosse, France »… Cette phrase résonne enfin, en français, dans l’ExCel Arena de Londres ce mercredi 1er août 2012. La Guyanaise de bientôt vingt-neuf ans monte sur le podium, lève les bras, se mord les lèvres, puis, comme figée, réalise. La Marseillaise reprise en cœur par des tribunes pleines, le drapeau bleu-blanc-rouge qui s’élève dans le coin opposé de la salle… L’émotion est trop forte et la submerge. Elle n’est pas la seule à pleurer. Le discret Larbi Benboudaoud, qui la coache depuis 2009, a lui aussi les yeux bien humides. Compétiteurs, entraîneurs, journalistes, français comme étrangers, tout le monde en fait, est heureux que ce titre revienne à l’une des plus grandes techniciennes de l’histoire du judo, la meilleure combattante du moment. Le sacre, enfin, pour ce joyau qui fut longtemps la seule à encore douter d’elle-même. Le pur talent, même ardemment travaillé, prend parfois son temps pour trouver le chemin de son accomplissement.

Tout avait pourtant commencé comme une évidence pour la jeune fille d’abord passée par Écouen, dans le Val d’Oise, avant deux ans et demi auprès de Guy Pina, à Kourou, en Guyane, puis le retour en métropole, au pôle d’Orléans… après que celui de Brétigny-sur-Orge l’a refusée.
Championne de France cadettes en 1998, puis juniors l’année suivante, elle remporte les championnats du monde juniors 2000 à Nabeul, en Tunisie, face à la Japonaise Ayumi Tanimoto. Le point de départ de leur rivalité : Lucie projette deux fois magistralement son adversaire qui s’est relevée la première fois comme un ressort, sans que l’arbitre ait le temps de réagir. Les deux femmes ne se quitteront plus. Après avoir remporté le tournoi de Paris – le premier de ses sept sacres dans ce tournoi prestigieux, Lucie déboule véritablement chez les seniors en 2002, attitude distanciée, presque insolente, en remportant les championnats d’Europe avec ce style si caractéristique et son o-uchi-gari qui fera sa réputation.

Aux Jeux d’Athènes en 2004, Lucie se classe seulement 7e. « C’était un podium cruel puisqu’elles sont trois de ma génération, Tanimoto, Heill et Zolnir, à s’y hisser. Cela m’a fait mal, j’ai failli arrêter le judo », expliquera Lucie, ainsi reléguée au même rang qu’aux mondiaux d’Osaka l’année précédente. C’est l’heure de la remise en question : travail avec un préparateur mental, capacité à dépasser enfin le doute, la gauchère prodige va vraiment dérouler à partir de 2005, accompagnée notamment par Serge Dyot, son entraîneur au Lagardère Paris Racing où elle signe en 2006 après sept ans à l’US Orléans, lequel la fait progresser dans l’affirmation de son judo.

Paris Grand Slam 2010 © Collection EDJ
2010 © Collection EDJ

Elle remporte une nouvelle médaille européenne, puis le titre mondial en 2005 en battant encore Tanimoto – la première de ses quatre couronnes. Après une nouvelle finale mondiale en 2007, et un titre européen, elle prend le leadership au sein d’une belle génération qui la respecte comme une reine. 2008, voici les JO de Pékin. « J’étais au sommet de mon judo », analyse-t-elle. Après avoir écarté la Slovène Zolnir, la Britannique Schlesinger, l’Allemande Von Harnier et la Coréenne Won, c’est encore la Japonaise Tanimoto qui se dresse en finale : alors que la Française est parfaitement concentrée et s’est déjà montrée dangereuse, elle lance son fameux spécial, « o-uchi-gari ken ken », un fauchage intérieur de la jambe avec poussée continue vers l’arrière, après une minute et vingt-quatre secondes de combat… Ayumi Tanimoto se dégage par un saut fantastique en pivot et contre en uchi-mata ! Ippon. Un mouvement venu d’ailleurs, un tournant aussi.

Lucie change de catégorie après ces Jeux olympiques, direction les -70kg, obligeant au passage une autre très grande championne française, Gévrise Emane, à faire le chemin inverse. « Je n’avais qu’une obsession : devenir imbattable. » Elle ajoute les pièces manquantes, dont un travail technique avec Bernard Tchoullouyan, mentor de Thierry Rey, devenu son président de club au Lagardère, et ça gagne ! Titres européens en 2008 et 2009, titres mondiaux en 2010 et 2011, avant ses troisièmes JO, ceux de la délivrance en 2012 à Londres. La promesse lancée en début de carrière par l’immensité de son talent est tenue.

Londres 2012 © Collection EDJ

La plus grande technicienne
de l’histoire ?

On peut légitimement se poser la question et l’affirmer sans chauvinisme. Au rayon des championnes de légende également magnifiques sur le plan technique, la marque de fabrique du palmarès de la Française, il n’y a guère que le phénomène japonais Ryoko Tamura-Tani, septuple championne du monde et quintuple médaillée olympique entre 1992 et 2008, qui peut soutenir la comparaison dans le judo debout. Un avis confirmé par Jane Bridge, première femme championne du monde à New-York en 1980 (-48kg), réputée pour la qualité de son judo et récompensée du trophée de meilleure technicienne lors de son sacre. « Lucie a toujours fait partie des judokas féminins que je voulais absolument regarder quand elle combattait, parce que j’adorais sa façon d’exploser d’un coup sur son spécial. Il y a ce sentiment de légèreté et de facilité sur son geste et elle cherchait toujours le ippon. Du pur judo. »
Londres 2012 © Collection EDJ

L’hommage d’Ayumi Tanimoto

« Ma seule adversaire »

« La première fois que j’ai perdu contre Lucie, j’ai compris qu’elle serait ma rivale. Petit à petit, c’est devenu une obsession, la seule finalement si j’y réfléchis, dont je savais qu’elle pouvait me battre sur mon propre terrain, je devrais dire le nôtre, le judo. Le style Décosse ? Ce qui a fait sa force, par rapport à ce que je connais des meilleures combattantes japonaises… c’est son mental. Les Japonais sont de bons techniciens, mais il leur manque parfois cette dimension. Par son judo, sa recherche du ippon et aussi son attitude, elle a toujours impressionné le milieu du judo japonais. C’est l’une des très rares étrangères – peut-être même la seule – que les entraîneurs considéraient comme une référence. Quand j’étais plus jeune, le mien, à Tsukuba m’avait demandé : « Pourquoi perds-tu contre Décosse ? ». Je disais « Elle est trop forte ». Lui me répondait : « Non, le judo japonais est le plus fort », avant de me dire « Mais c’est vrai que c’est la plus forte toutes catégories confondues. Plus que les Japonaises ». Lucie, ça a toujours été spécial. D’ailleurs, nos destins sont si liés que, quand elle a changé de catégorie, fin 2008, j’ai arrêté. Il n’y avait plus d’histoire à écrire. »

Ayumi Tanimoto

Londres 2012 © Collection EDJ
© Collection EDJ

Fiche d'identité

Date de naissance

Née le 6 août 1981

Lieu de Naissance

Chaumont

Taille

1m68

Catégorie

-63kg et -70kg

Niveau

6e dan depuis 2012

Techniques favorites

o-uchi-gari

Clubs précédents

JC Ecouen ; Club Spatial Kourou ; US Orléans ; Lagardère Paris Racing

Paris Grand Slam 2010 © Collection EDJ

Palmarès

COMPÉTITIONS
JEUX OLYMPIQUES
1
1
0
CHAMPIONNATS DU MONDE
3
1
0
CHAMPIONNATS D'EUROPE
4
1
2
Championnats de France
4
1
0
Pékin 2008 © Collection EDJ