Djamel
Bouras
-78kg et -81kg
Champion d’Europe puis olympique en 1996 après une première médaille mondiale en 1995 et avant une autre en 1997, Djamel Bouras aura autant marqué par son palmarès que par son tempérament.
Givors, à une vingtaine de kilomètres au Sud de Lyon. La porte du dojo s’ouvre pour la première fois pour Djamel Bouras. Ce qu’il y découvre ? « Le combat ! Je me suis tout de suite retrouvé dans cette ambiance à la fois de confrontation et de bienveillance de la part des professeurs dans ce petit club paumé que dirigeait alors Jean Dutron. Je jouais aussi au football et j’en ai toujours été mordu, d’autant que mon père était entraîneur. Mais j’ai choisi le judo au bout de quelques années : sur le tatami, cela a vite bien marché pour moi, j’ai pris goût à la victoire, j’étais encouragé et le judo collait bien à mes traits de caractère : apprendre, ne jamais renoncer… Il y avait sans doute plus fort que moi sur le tatami, mais plus déterminé, honnêtement, je ne crois pas. Je voulais être le meilleur. Le haut niveau, c’était loin pour moi, mais je faisais chaque chose pour gagner et cela m’a porté. » Double médaillé national juniors en 1990 et 1991 sans être leader d’une génération pléthorique, il bascule chez les seniors en y remportant son premier combat lors du tournoi de Paris, le 1er février 1992, contre le Japonais Tatsuto Mochida, alors vice champion du monde.
À peine sorti des juniors, c’est le genre de combat qui marque et renforce l’idée que la marche suivante est atteignable. J’ai toujours été passionné par la pratique du judo et adoré la compétition, ce moment si particulier où l’on se retrouve face à l’autre, mais surtout face à soi-même. En même temps, à l’époque, la compétition n’était que le prolongement de ce que l’on produisait sur le tapis de l’INSEP où la densité était incroyable : un finaliste des championnats d’Europe n’était même pas sûr de disputer les championnats du monde. Je me revois au milieu des Fabien Canu, double champion du monde, de Jean-Louis Geymond et des autres, des guerriers que je parvenais à faire tomber alors qu’ils étaient dans la catégorie supérieure. C’est ce qui m’a donné confiance, ce fut mon repère, alors qu’au début j’étais sans doute loin du niveau, moi qui n’étais pas passé par un sport-études.
Djamel Bouras
De là à devenir double médaillé mondial, champion d’Europe et champion olympique en cinq ans, il y avait quelques étapes à franchir. Les entraîneurs, ses partenaires d’entraînement et tous ceux qui l’ont côtoyé en stage et sur les tatamis de l’INSEP au cours de ces années sont unanimes : il en faisait toujours plus que les autres. Un travailleur, un besogneux au sens noble du terme. Mais comment se voyait-il lui-même ? « J’aimais l’idée de m’entraîner fort, de progresser, de repousser mes limites, de faire du beau judo aussi. Mais dans ma tête, cela a toujours été clair : le jour de la compétition n’est pas celui où il faut jouer à quitte ou double, ni le moment où il faut tenter des choses. Cela a donc pu donner l’image d’un combattant qui manquait d’éclat, mais c’était un choix de ma part : être efficace. Perdre au premier ou au deuxième tour était impensable pour moi, d’autant qu’il y avait du monde tout autour. Le faux pas était interdit. » Cette efficacité assumée va se construire avec l’entraîneur Marc Alexandre sur un kumikata radical, infernal, appuyé sur sa condition physique hors norme. Un but affiché : rendre fous ses adversaires, les rincer physiquement jusqu’à reddition. Son envie de conquérir le monde et cette stratégie précise l’auront porté au titre le plus prestigieux en neuf mois à la suite d’une séquence finale mondiale-titre européen-titre olympique des -78kg.
L’apothéose était pour les Jeux d’Atlanta. Il y bat le Russe Savchishkin, le Chinois Yuan, l’Argentin Garcia, puis l’Allemand Dott, avant la rencontre avec son destin : une finale d’anthologie face à la légende japonaise Toshihiko Koga, qu’il emporte aux drapeaux – le Japonais dominant toute la première partie du combat avant de s’effondrer sous les coups de boutoir du Français en état second – devant sa famille à qui il a payé le voyage et Marc Alexandre exultant sur la chaise de coach. « En 1992, je regardais les Jeux à la télévision. Ensuite, j’ai commencé à m’y voir à mon tour. Je n’en dormais plus et je disais aux entraîneurs lors des entraînements “Mais qu’elle vienne cette journée ! ”. Ça n’était pas possible que les autres en fassent autant que moi. Ça devait payer. »
Paradoxalement, ce n’est pas sur ces JO qu’il s’est senti le plus fort. « Je l’étais encore davantage à Sydney, en 2000. J’étais alors à pleine maturité, beaucoup plus frais qu’à Atlanta où la victoire s’était surtout jouée au mental. D’ailleurs, je mets ippon au Néerlandais Maarten Arens, au Cubain Arteaga, au Coréen du Nord Kwak et je domine le Japonais Takimoto en demi-finale. Pourtant, les arbitres me pénalisent deux fois et je perds le fil du combat, ne sachant plus si je dois attaquer ou non. J’aurais dû être double champion olympique ce jour-là, je l’avais dans les jambes, mais je n’étais visiblement plus le bienvenu, après les accusations de dopage et la suspension de 1998 que j’ai toujours contestée. » Djamel Bouras, à jamais le quatrième champion olympique masculin de l’histoire du judo français, pour l’éternité l’image d’un esprit guerrier inégalable.
Le dernier champion olympique
Après Thierry Rey à Moscou en 1980 (en super-légers -60kg), Marc Alexandre à Séoul en 1988 (légers -71kg), Djamel Bouras décroche, à Atlanta, le troisième titre olympique masculin hors catégorie des lourds en mi-moyens (-78kg)… et reste pour l’instant le dernier. Après Parisi, David Douillet et Teddy Riner ont inscrit par deux fois leur nom au palmarès avant et après lui en lourds +95kg et +100kg (les catégories ont changé à partir du 1er janvier 1998). Jamais dans l’histoire un judoka français ne s’est en effet emparé du titre olympique en mi-légers (-66kg et auparavant en -65kg), en moyens (-86kg devenu -90kg) ou en mi-lourds (-100kg auparavant -95kg). Ceux qui s’en approchèrent le plus après lui furent les mi-légers Larbi Benboudaoud et Benjamin Darbelet, respectivement finalistes à Athènes et Pékin en -66kg. Qui pour succéder à Bouras et ajouter une ligne essentielle à l’histoire du judo français ?
L’aventure Paris Saint-Germain Judo
Créée par Thierry Rey en 1992, la section judo du Paris Saint-Germain sera la première du club à décrocher un titre européen, en 1995. Au premier plan sur les scènes nationale et continentale avec ses champions olympiques David Douillet et Djamel Bouras, puis Frédéric Demontfaucon, futur champion du monde, le club entre finalement en sommeil à partir de 2003. Jusqu’à une renaissance actée à la rentrée 2017, permise par la volonté du champion olympique d’Atlanta, proche de la direction et du président Nasser al-Khelaïfi. Avec l’idée de couver de jeunes pousses, elles-mêmes au contact de Teddy Riner, l’enfant du club qui y a fait ses débuts à l’âge de cinq ans.
Fiche d'identité
Date de naissance
Né le 11 août 1971
Lieu de Naissance
Givors
Taille
1m84
Catégorie
-78kg et 81kg
Niveau
7e dan depuis 2022
Techniques favorites
o-soto-gari,
sumi-gaeshi
et o-uchi-gari
Clubs
SO Givors ; JC Épinay-sous-Sénart ; Paris Saint-Germain Judo ; US Créteil