Émilie
Andéol
+78kg
Les yeux n’étaient pas braqués sur elle… Émilie Andéol a su forcer la porte en seniors, mue par une combativité sans faille qui éclipsait, au premier « hajime », une éternelle émotivité.
« Combattre le même jour que Teddy à Rio, ça m’arrangeait bien ! Si ça ne marchait pas, les gens allaient rester sur lui de toute façon. »
Émilie Andéol
Pour son premier rendez-vous olympique, Émilie Andéol a trouvé la parade. Pourtant, c’est bien la native de Bordeaux qui prit une large partie de la lumière, ce 12 août 2016 à l’Arena Carioca 2 de Rio de Janeiro, elle qui s’était montrée jusque-là plutôt à l’aise dans l’ombre qui avait longtemps accompagné sa trajectoire atypique. Le judo ? D’abord et avant tout un bon moyen de rire avec les copines, et, peut-être, de combattre inconsciemment une nature introvertie qui ne lui faisait pas voir les choses en grand. Sans Bertrand Becerro, son premier professeur du Judo Club Marcheprime, ou son grand-frère Mickaël, ses premiers résultats n’auraient pas eu de lendemain, et la Girondine, qui se voyait danseuse professionnelle ou scientifique, serait progressivement rentrée dans le rang. Devant l’insistance de sa mère, et sans trop de conviction, elle rejoint, à seize ans, la classe départementale de Lormont en attendant l’ouverture imminente du pôle de Bordeaux… qu’elle ne connaîtra jamais puisque, dans la foulée de son premier podium national en juniors, étrennant avec succès ses premières sélections internationales, là voilà directement conviée à rejoindre l’INSEP à la rentrée 2005. Un refus de principe – « pour me protéger » – plus tard, elle débarque finalement dans l’institution du Bois de Vincennes quelques semaines avant sa majorité.
« Je suis une vraie stressée de la vie
mais, sur le tapis, j'ai confiance en moi. »
Les hiérarchies sont trop claires pour être contestées. En 2006, sa rivale Ketty Mathé, d’origine martiniquaise comme elle, la domine sur trois finales successives, avant de s’offrir un premier titre continental puis l’argent mondial juniors. En seniors, Anne-Sophie Mondière tourne à plein régime (trois titres européens et trois podiums mondiaux sur la période 2005-2008). Andéol se maintient tout de même dans la mire avec deux médailles aux championnats d’Europe -23 ans. On ne mise pas vraiment sur celle qui pleure en compétition « pour mieux évacuer le stress »… Pourtant, elle n’attend qu’une opportunité pour montrer ce qu’est vraiment son caractère. La bascule s’opère en 2010, avec un titre national à se mettre dans la poche sans aucune de ses rivales. Le cap est validé, avec une récidive en 2011, cette fois en dominant la leader Mondière. Trop juste pour lui chiper le ticket olympique pour Londres, mais de quoi lui donner des idées en vue de Rio. « En démarrant l’olympiade, je voulais vraiment montrer que j’étais là. Anne-Sophie à la retraite, Ketty sur le retour (seulement en 2014 finalement, et sous pavillon turc, NDLR)… C’était à moi de faire ma place. Si c’était pour rester une partenaire d’entraînement, autant faire ma vie ailleurs. »
Les premières médailles tombent sur le circuit international seniors et, pour ses premiers championnats d’Europe en 2013, sa route ne s’arrête qu’en finale. Deux finales au Grand Chelem de Paris, une médaille mondiale et surtout deux couronnes continentales finiront d’asseoir sa mainmise sur la catégorie, dont celle de 2015 acquise avec seulement « deux séances d’entraînement fortes dans les jambes ». La faute à un genou gauche de plus en plus fragile, mais sans pression. Chassez le naturel, il revient au galop… C’est une Émilie Andéol traqueuse qui attaque 2016 par une défaite au premier tour à Paris, avant une préparation olympique en montagnes russes : un stage à Saint-Cyprien « catastrophique », puis un autre à Castelldefels, en Espagne, où son sourire réapparaît. Sa journée olympique sera du même tonneau. « En me levant, c’était « vivement ce soir », en me rappelant le message de mon préparateur mental : « soit tu te lèves pour réaliser tes objectifs, sois tu restes au lit ». Je me suis dit que je ne pouvais pas rester au lit… » La soufflante administrée par son coach Christophe Massina à l’issue d’un premier tour – où elle frôle l’élimination – la sort de sa torpeur, avant que son long et douloureux quart contre une Tunisienne gauchère qu’elle craint n’achève de la réveiller. Au pied du mur Yu Song en demie, une Chinoise qui lui rend une quinzaine de centimètres pour plusieurs dizaines de kilos, sa vaillance ne lui fait plus défaut. Concentrée sur ce qui fait le meilleur d’elle-même, l’inflexible détermination de celle qui n’y croit pas mais ne cédera jamais, elle revient à chaque fois au combat jusqu’à faire douter la machine chinoise. Face au mythe cubain Idalys Ortiz, tenante du titre et déjà troisième à Pékin huit ans plus tôt, elle entame un duel tactique, hypnotique par la précision de son timing et l’inépuisable vitalité dont elle fait preuve, qui s’en va loin au-delà du temps réglementaire. Un assaut final en grand fauchage intérieur, loin d’être le plus assuré, suffit pour faire flancher la reine caribéenne, déjà mentalement chavirée, avant de la maintenir au sol pour le compte. Un moment suspendu pendant lequel tous les projecteurs furent enfin braqués sur Émilie Andéol.
Les grandes étapes
de sa carrière
De l'or et du positif
Au moment de se présenter sur les tatamis brésiliens pour défier pour le titre la favorite cubaine Idalys Ortiz, Émilie Andéol détient, sans le savoir vraiment, le bilan olympique du groupe féminin tricolore entre ses mains. L’échec en finale de Clarisse Agbegnenou (-63kg) trois jours plus tôt, conjugué à celui d’Audrey Tcheumeo (-78kg) la veille, a laissé tous les observateurs sur leur faim, tout en ramenant à l’équilibre parfait le ratio victoires/défaites des Françaises parvenues à disputer l’or jusqu’au bout depuis l’intégration officielle du judo féminin au programme olympique à Barcelone en 1992. Du 4-0 magistralement initié en trois tournois par Cathy Fleury, Cécile Nowak, Marie-Claire Restoux et Séverine Vandenhende, la tendance s’était aussitôt inversée avec la finale malheureuse de Céline Lebrun à Sydney, puis les revers ultimes de Frédérique Jossinet et Lucie Décosse, impeccable pour redonner de l’ampleur au score quatre ans plus tard à Londres. 5-3, puis 5-5 donc, avant cette immobilisation interminable de frissons…
Compteur débloqué chez les lourdes
Si Natalina Lupino puis Christine Cicot avaient convenablement lancé l’aventure olympique des +72kg en se parant respectivement de bronze à Barcelone et Atlanta, la suite fut moins probante. De nouveau sélectionnée à Sydney dans la nouvelle catégorie des +78kg, Christine Cicot échouait cette fois en petite finale, avant qu’Eva Bisseni (Athènes) et Anne-Sophie Mondière (Pékin et Londres) s’inclinent à leur tour dans leur course au podium aux cinq anneaux. Du haut de sa première marche en 2016, Émilie Andéol, délivrait pour de bon la catégorie, ne laissant plus que les -57kg, sauvées du palmarès vierge par le bronze londonien d’Automne Pavia (et depuis Tokyo par l’argent de Sarah-Léonie Cysique), et les -78kg, pourtant présentes à trois reprises – Céline Lebrun à Pékin, Audrey Tcheuméo à Rio de Janeiro et Madeleine Malonga à Tokyo – en finale, orphelines de tout titre.
Fiche d'identité
Date de naissance
30 octobre 1987
Lieu de Naissance
Bordeaux
Taille
1m70
Catégorie
+78 kg
Niveau
5e dan
Techniques favorites
harai-makikomi
Clubs
JC Marcheprime, UJ Bassin d’Arcachon, RSC Champigny