Marc
Alexandre
-65kg et -71kg
Il n’avait pas confiance en lui et faisait face à des concurrents d’exception. Il ramène pourtant deux médailles olympiques, dont le troisième titre du judo français, à Séoul, en 1988.
J’arrivais d’un petit club. Pour moi, ce n’était pas vraiment concret. Je regardais tout ce monde d’en bas.
Marc Alexandre
Et la voici. Lors de cette année cruciale, l’invincible Rey « glisse » au championnat de France devant un junior. Il n’est que médaille de bronze. Hansen est en finale… et il est battu ! Mais par qui ? Par Marc Alexandre, qui n’a jamais connu de sélection en juniors – barré par Guy Delvingt – et n’a, à l’époque, que des podiums nationaux à faire valoir et une belle régularité en tournoi. La règle est alors précise : il fera les championnats d’Europe. « Pour les Jeux, c’était une autre affaire. Le DTN avait déjà quasiment annoncé la sélection de Thierry », rappelle l’intéressé. Il n’a qu’une seule option, la victoire, et il va aller la chercher, forçant la direction technique à l’amener aux Jeux Olympiques, lui qui n’y était pas du tout attendu. « J’arrivais d’un petit club. Pour moi, ce n’était pas vraiment concret. Je regardais tout ce monde d’en bas. » Mais le nouveau venu est travailleur. Son arme secrète, uchi-mata, il la peaufine depuis sa jeunesse, mais aussi… en observant ses rivaux. « J’ai beaucoup regardé Guy Delvingt la faire. » Marc Alexandre n’a guère confiance en lui, « c’est un peu le défaut de la machine », concède-t-il. Aux championnats d’Europe, le colosse Parisi l’a pris sous son aile. À Los Angeles, le licencié de Vigneux-sur-Seine est à deux doigts de passer à la trappe contre un Yougoslave, mais ne cède finalement que devant le patron japonais Matsuoka, et aux drapeaux, non sans avoir marqué le premier. Marc Alexandre va chercher une médaille de bronze olympique face à l’anglais Steve Gawthorpe, un longiligne excellent au sol et futur médaillé mondial.
Les grandes étapes de sa carrière
Leçon américaine
Le post-olympique est délicat pour celui qui a désormais l’étiquette du titulaire. Il perd en finale des championnats d’Europe 1985, puis au troisième tour des championnats du monde de Séoul. À nouveau troisième des championnats d’Europe en 1986, il termine l’année à la Coupe Kano de Tokyo où il ne parvient plus à faire le poids. Le temps des -65kg est terminé.
Fin de partie ? « J’ai recommencé à zéro, avec une opposition aussi forte en -71kg. J’ai doublé l’entraînement et j’ai commencé à faire de la musculation. » Marc Alexandre n’est pas un novice dans cette catégorie où son uchi-mata passe encore, « mais complété avec des techniques comme ko-uchi-gari ». Il gagne dès janvier 1987 son premier tournoi de Paris, bute en finale du championnat national sur Richard Melillo, mais va chercher l’or au cœur de la Géorgie redoutée, au tournoi de Tbilissi. Décisif, il ira aux championnats du monde d’Essen en 1987 et ne s’y inclinera qu’en finale, face à l’Américain Mike Swain, qui lui fait ce jour-là un paradoxal cadeau. « Je suis allé à sa conférence de presse, où il expliquait que sa défaite en finale en 1985 lui avait permis de gagner cette fois-ci. »
La suite, c’est une année 1988 âpre, où il faut se battre contre la jeune génération pour décrocher ses deuxièmes Jeux, à Séoul. L’équipe s’entraîne pendant quinze jours à Kyoto, au Japon, avant de rejoindre la ville coréenne ; et c’est son ancien adversaire Guy Delvingt, retiré, qui l’échauffe le jour dit. Sans le brio technique ce jour-là, le garçon peu confiant des débuts fait cependant une compétition parfaite sur le plan mental, dominant le dangereux Hongrois Hajtos, le terrible espagnol Ruiz – un champion d’Europe en titre qui restait sur une victoire contre lui et qui avait marqué le premier – et ses incessants balayages, le dangereux Géorgien Tenadze, qui avait écarté au tour précédent le jeune Japonais Koga, futur champion du monde, et, d’un petit ko-uchi-makikomi, le vice champion d’Europe est-allemand Sven Loll et son mètre quatre-vingt-cinq en finale, pourtant à deux doigts de le plaquer au sol. « Il m’avait fait un signe de connivence dans les couloirs, que je ne lui ai pas rendu. La leçon de Mike Swain m’a servi pour être prêt ce jour-là. » Champion olympique, Marc Alexandre ne sera jamais champion du monde. Il raccroche après un échec à Belgrade en 1989, avant d’entamer une carrière d’entraîneur exemplaire pour la France et d’incarner, de décennie en décennie, l’excellence technique. Un grand du judo français.
L’entraîneur des grandes années
Rapidement promu au poste d’entraîneur de l’équipe de France, Marc Alexandre constituera, avec le discret mais très brillant Laurent Del Colombo, une paire de rois dans le jeu français qui a marqué les années suivantes. Entraîneur seniors de 1991 à 2004, il sera sur la chaise pour le triomphe olympique de Djamel Bouras et de David Douillet, avec, au-dessus de l’épaule, les précieux conseils de Laurent en 1996, meilleur résultat du judo français aux Jeux. Ensuite, il se propose pour devenir entraîneur des féminines juniors, sous la responsabilité de l’un de ses anciens athlètes, Christophe Massina. « Je ne sais pas s’il a toujours été à l’aise avec ça mais, de mon point de vue, ça s’est toujours très bien passé. » Passé ensuite du côté du pôle de formation de Marseille, il a eu l’occasion d’y découvrir et de former Automne Pavia, médaillée olympique à Londres. On ne se refait pas.
Il l’a pleinement compris lui-même et s’épanouit comme un phénix. Sa défaite en finale des championnats d’Europe, l’année suivante, contre le formidable Géorgien David Khakhaleishvili, qui a emporté le titre olympique en dominant le Japonais Ogawa, est sa dernière défaite significative. Quelques mois plus tard, il est champion du monde pour la première fois – et c’est aussi une première française dans cette catégorie des poids lourds – devant le monstre polonais Kubacki qui restait sur deux victoires contre lui, devant le Géorgien en finale, qui assure la passation d’un simple pouce levé, alors qu’il reste six secondes au compteur.
Discrétion forcée
La communication n’était pas le point fort de cet introverti. Il avait pourtant pu mesurer l’impact d’une médaille olympique en 1984. « Ce n’est plus le même regard dans les yeux des copains de l’équipe et les entraîneurs sont en ébullition, mais on ne se rend pas compte », décrit-il. L’expérience aidant, il était bien décidé à profiter de son extraordinaire réussite de Séoul. Séoul 1988 ? Une grève à Antenne 2 empêche le traitement de l’information et au lendemain de son retour, éclate l’affaire Ben Johnson. Le champion olympique et recordman du monde du sprint canadien est convaincu de dopage. « On n’a jamais parlé de mon titre, mais la médaille est toujours chez moi quand même. »
Fiche d'identité
Date de naissance
Né le 30 octobre 1959
Lieu de Naissance
Paris
Taille
1m75
Catégorie
-65kg ; -71kg
Niveau
8e dan depuis 2014
Techniques favorites
ko-uchi-gari
et uchi-mata
Clubs précédents
Vigneux-sur-Seine ; US Orléans JJ