Clarisse
Agbegnenou
-63kg
Sparring-partner à Londres, finaliste à Rio, les Jeux se sont longtemps refusés à la reine Agbegnenou. Jusqu’à ce feu d’artifice tokyoïte pour sa neuvième finale planétaire consécutive.
Même Tina Trstenjak, pourtant emportée quelques secondes plus tôt par l’énergie de la Française sur un fauchage parti de très loin, ne put s’empêcher de sourire et de l’étreindre elle aussi lorsque sa « meilleure ennemie » la hissa à bout de bras comme une enfant, temps suspendu, communion sincère et spontanée entre deux grandes. Avec Clarisse Agbegnenou, le judo mondial tient sa plus enthousiasmante représentante, capable d’irradier au-delà de l’aire de combat, cadre parfait quelques années plus tôt pour une fillette agitée, devenue le cercle de sa toute-puissance.
Sacrée championne d’Europe cadettes à la surprise générale après six ans de pratique, ses années juniors et seniors vont rapidement se mêler. Avant sa médaille planétaire obtenue en novembre 2011 chez les moins de vingt ans, où son judo déjà mûr est vite à l’étroit, la native de Rennes compte deux titres nationaux seniors, une victoire de prestige au Grand Chelem de Tokyo – en dominant en finale, et pour la seconde fois en un mois, la patronne de l’époque Gévrise Émane – et un premier podium à Bercy ! Si cette lancée fabuleuse ne suffit pas pour coiffer au poteau son aînée et traverser la Manche dans la peau de la titulaire olympique, sa présence comme partenaire de celle qui est alors championne du monde et double championne d’Europe en titre n’est pas vaine. « Avec le recul, je me suis rendu compte que Londres, avec les enjeux et le stress générés par les Jeux, m’avait plus marquée que Rio. » L’année 2013 marque sa prise de pouvoir. Paris, Düsseldorf, les Europe de Budapest et Miami sont autant de prises de guerre qui la propulsent candidate plus que crédible à un premier titre mondial l’été venu, déjà à Rio, répétition générale trois ans avant l’heure olympique. Émane de nouveau écartée en demie, l’ultime obstacle est israélien. Sa grande amie Yarden Gerbi sort alors de son chapeau un étranglement – par la suite interdit – qui prive Agbegnenou de la consécration attendue. La revanche n’en sera que plus belle l’année suivante à Chelyabinsk.
Les grandes étapes
de sa carrière
2017-2021,
Implacable supériorité
Le compteur débloqué, on voit mal qui peut se mettre en travers de son chemin d’ici les Jeux brésiliens. Il en suffira d’une, qui n’apparaît pas au départ comme la plus brillante du plateau : la Slovène Tina Trstenjak.
La glace quand Clarisse est le feu. Un premier coup de semonce au Grand Prix de Zagreb en mai 2015, rien de grave, avant un véritable camouflet au moment de défendre son titre à Astana, puis un second, incomparablement plus douloureux, lors de la finale de Rio. Tina la contre et l’immobilise au sol. « Je me suis tellement focalisée sur Tina que je ne suis pas allée chercher de solution autour. » Comment rebondir après ce troisième échec en quatre tentatives pour l’or sur un grand rendez-vous planétaire ? Paradoxalement, c’est d’une nouvelle défaite – en finale et devant le public français, en février 2017 – toujours face à la Slovène, que va germer la solution. « C’est ce jour-là que j’ai définitivement réalisé que, lorsque j’arrive à mettre les deux mains sur le kimono de mes adversaires, elles ne peuvent plus bouger et ne me mettent plus en danger. »
La suite est imparable : trois couronnes mondiales coiffées à la suite de 2017 à 2019, dont la dernière au prix d’un golden score de plus de sept minutes irrespirables contre Miku Tashiro au Nippon Budokan de Tokyo, agrémentées de deux nouveaux sacres européens. 2020 doit enfin voir l’avènement olympique de cette athlète toujours plus solaire… mais la crise sanitaire du covid-19 passe par là, envoyant le moral de la tricolore loin dans les tréfonds. Le yoga, le jujitsu brésilien et la boxe ne sont pas de trop pour raviver la flamme d’une déjà longue carrière, arrivée à ce point de bascule qui sépare les très grands du reste de la meute. Les Jeux vont-ils se priver d’une athlète de cette trempe ? De cette énergie qui lutta pour sa vie dès ses premiers instants d’existence comme grande prématurée, devenue femme de combats ? Ses cinquièmes médailles d’or européenne et mondiale décrochées à la reprise affirment le contraire, tout comme cette démonstration du 27 juillet 2021. Ce jour J tant attendu, la Cap-Verdienne Sandrine Billiet, la Néerlandaise Juul Franssen et la Canadienne Catherine Beauchemin-Pinard sont impuissantes, quand le destin envoie à nouveau Tina Trstenjak en finale face à la Française ! Cette fois, Clarisse Agbegnenou est incontestable, même pour l’étonnante Slovène, et elle remettra le bleu de chauffe quatre jours plus tard, pour atomiser en finale du par équipes mixtes rien de moins que la championne olympique de la catégorie supérieure (-70kg), Chizuru Arai, lançant l’équipe de France vers la plus haute marche du podium. À elle, le seul doublé de cette huitaine olympique, une consécration à sa hauteur.
Bientôt la plus grande ?
Devenir la seule Française double championne olympique individuelle, et ainsi rejoindre David Douillet et Teddy Riner (qui n’a pas non plus dit son dernier mot) : voilà l’immense tâche qui se présente en 2024 à Paris face à Clarisse Agbegnenou, qui aura alors près de trente-trois ans. D’ici là, la Belge Ingrid Berghmans et la Japonaise Ryoko Tani, respectivement sextuple et septuple championnes du monde, peuvent également trembler, tant leurs records semblent à portée de tir de la combattante du RSC Champigny, déjà cinq fois sacrée, et par trois fois auteure du doublé championnats d’Europe/championnats du monde, en 2014, 2018 et 2019.
Une nouvelle première supportrice
Heureuse maman d’une petite Athéna depuis le 15 juin 2022, c’est dans la peau d’une jeune maman que Clarisse Agbegnenou va attaquer la dernière partie de sa carrière. Une donnée loin d’être anodine dans le quotidien déjà chargé des sportives de haut niveau, mais à coup sûr un supplément d’âme au moment d’enfiler de nouveau le judogi de l’équipe de France sur les plus grands événements.
Fiche d'identité
Date de naissance
Née le 25 octobre 1992
Lieu de Naissance
Rennes
Taille
1m64
Catégorie
-63kg
Niveau
6e dan depuis 2022
Techniques favorites
o-soto-gari
et harai-makikomi
Clubs
AM Asnières ; JC Escales Argenteuil ; RSC Champigny